I
APERÇU HISTORIQUE SUR LES DÉCOUVERTES GÉOGRAPHIQUES EN INDO-CHINE[1].
Le plateau du Tibet forme, au centre de l’Asie, comme une immense terrasse dont les bords sont dessinés sans interruption, au nord, à l’ouest et au sud, par de hautes chaînes de montagnes, mais qui va en s’abaissant graduellement vers l’est et déverse de ce côté la plus grande partie de ses eaux. C’est surtout par l’angle sud-est que s’échappent la plupart des fleuves qu’il alimente. Là, dans un espace de moins de soixante lieues, le Brahmapoutre, l’Iraouady, la Salouen, le Cambodge, le Yang-tse kiang, quelque temps arrêtés et contenus par la puissante barrière de l’Himalaya, réussissent à se frayer un passage et tracent de profonds sillons dans les flancs déjà légèrement affaissés de cet énorme soulèvement. Ses derniers contre-forts se prolongent cependant encore assez dans cette direction pour donner naissance au fleuve de Canton, le Si kiang, au fleuve du Tongking, le Ho-ti kiang, et au fleuve de Siam, le Ménam ; mais ces rivières, quoique comparables aux plus grands cours d’eau de l’Europe, ne sauraient être mises sur la même ligne que celles qui précèdent, dont les sources, encore peu connues, sont probablement toutes situées à l’intérieur du plateau lui-même.
Parallèles et voisins à leur sortie du Tibet, ces cinq grands fleuves ne tardent pas à se séparer. Tandis que le Yang-tse kiang ou fleuve Bleu se détourne brusquement vers l’est et le nord, traverse toute la Chine, dont il peut être considéré comme le grand diamètre, et va se jeter à la mer près de Shang-hai, le Brahmapoutre s’infléchit à l’ouest et au sud pour aller mêler ses eaux à celles du Gange, non loin de Calcutta. Chacun d’eux semble personnifier ainsi la civilisation et contenir les destinées de l’une des deux plus vieilles nations de l’Asie et du monde : la Chine et l’Inde.
- ↑ Consulter pour tout ce chapitre la Carte générale de l’Indo-Chine et de la Chine centrale, Atlas, 1re partie, planche I.