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APERÇU HISTORIQUE

On désigne généralement sous l’appellation d’Indo-Chine la vaste étendue de pays qui sépare les vallées de ces deux fleuves. Bizarrement découpé par la mer, cet espace angulaire s’allonge vers l’équateur, en formant une longue et étroite barrière entre les eaux du golfe du Bengale et celles des mers de Chine, et constitue, à l’extrémité sud-est du continent asiatique, une vaste presqu’île qu’arrosent l’Iraouady, la Salouen, le Ménam, le Cambodge et le fleuve du Tong-king.

Rien de plus confus et de plus contradictoire que les renseignements que les premiers voyageurs nous ont laissés sur l’Indo-Chine. Champ de bataille de plusieurs races, point de contact de plusieurs civilisations, cette région, qui réunit presque tous les climats, a présenté successivement les aspects les plus divers. Les bouleversements incessants dont elle a été le théâtre, les désignations innombrables données tour à tour à chaque peuplade, à chaque cours d’eau, à chaque chaîne de montagnes, ont produit au point de vue géographique un chaos presque inextricable, et les traits les plus saillants de la constitution physique de la contrée ne restent pas moins difficiles à saisir que ceux de son existence politique.

De toutes les parties de l’Asie, l’Indo-Chine a été la dernière connue des Occidentaux. L’élan imprimé au monde ancien par les conquêtes d’Alexandre, après avoir reculé rapidement de l’Indus au Gange la limite des terres connues, semble avoir été longtemps impuissant à faire franchir ce dernier fleuve aux Européens. D’un autre côté, l’extension de l’influence et de la domination chinoises jusque sur les bords de l’Oxus et de l’Iaxartes, au deuxième siècle avant notre ère, créa au nord de l’Himalaya un courant commercial important, qui mit en communication le Céleste Empire et l’Europe par des routes trop septentrionales pour laisser soupçonner l’existence de l’Indo-Chine.

Cependant les difficultés et la longueur de ces routes, qu’infestaient des peuplades errantes et guerrières, en lutte perpétuelle avec les Chinois, firent bientôt rechercher à ceux-ci une voie plus commode pour communiquer avec l’Occident. À la suite de la mission du général Tchang-kian (122 av. notre ère) dans les régions transoxanes, l’empereur Hiao-wou-ti envoya une expédition qui devait essayer de parvenir par le sud dans le pays de Chin-thou (région de l’Indus). Arrivée dans le pays de Tien, la province actuelle du Yun-nan, cette expédition dut aux artifices du roi de ce pays d’être retenue pendant plus de quatre années chez les Kiang, populations tibétaines de la frontière, et revint sans avoir réussi à atteindre le but indiqué.

Ce n’est que deux siècles après que les communications entre la Chine et l’Inde par le nord de l’Indo-Chine paraissent devenir plus fréquentes. La propagation du bouddhisme, dont l’introduction en Chine date de l’an 61 après Jésus-Christ, et qui se répandit à la même époque dans la péninsule indo-chinoise, contribua sans doute à ce résultat. La route de Taxila sur l’Indus à Palibothra sur le Gange, fréquentée depuis longtemps déjà, servit de trait d’union entre la Chine et l’Asie Mineure et fit quelque temps concurrence aux routes, trop souvent interrompues par la guerre, qui, par le nord des monts Célestes, ou par le lac Lop, Khotan (Ilchi de nos jours), Kachgar et la Bactriane, reliaient les provinces septentrionales de la Chine à l’Occident. Les annales chinoises constatent que vers cette époque les habitants du Ta-thsin (empire romain) venaient souvent