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vernement siamois interdisait le retour dans son pays, et qui s’était fixé à Kham tong niaï.

Au delà de Kham tong niaï, le Se Don se rétrécit, sa profondeur augmente, son courant reste insensible. M. de Lagrée s’arrêta quelques instants à Muong Cong, chef-lieu d’une petite province qui dépend de Kham tong niaï. Le 10 novembre, la rivière se trouva barrée par Keng Catay, rapide qui nécessita le déchargement des barques et qui est causé par un dénivellement d’un mètre environ dans le lit de la rivière. Ses eaux coulent là sur un fond de grès. À quelques milles au-dessus de ce rapide, se trouve le village de Chou Hong, qui, par une anomalie très-fréquente au Laos, relève de Bassac, quoique se trouvant sur le territoire de Kham tong niaï.

Les voyageurs couchèrent le 10 novembre à Muong Sapat, qui, comme Muong Cong, dépend de Kham tong niaï. La largeur de la rivière se réduit en ce point à 80 mètres environ.

Le lendemain, l’expédition arriva de bonne heure à Smia, petite province qui dépend de Kémarat, important chef-lieu situé sur la rive droite du Cambodge, à une assez grande distance dans le nord-ouest. C’est à Smia que prend fin la navigation du Se Don. Nos voyageurs suivirent à pied la rive gauche de la rivière jusqu’au village de Keng noï auprès duquel se trouve une chute de 8 à 10 mètres de hauteur. À partir de ce point, le Se Don devient excessivement sinueux, les rapides s’y succèdent sans interruption, et la route qui se dirige vers le Muong voisin de Saravan, en abandonne les rives pour traverser en ligne droite une immense plaine herbeuse, coupée de forêts et de rizières. M. de Lagrée et ses compagnons la franchirent à pied pendant que leurs bagages les suivaient à dos d’éléphant. Le pays devenait plus désert, les quelques cultures disséminées çà et là appartenaient aux tribus sauvages qui habitent les pentes des montagnes ; de temps à autre on apercevait un indigène accroupi au sommet d’un de ces hauts miradors, où, à l’abri des bêtes féroces, les agriculteurs indo-chinois surveillent leurs plantations. La route elle-même n’était qu’un étroit sentier, impraticable pour les chars. Un seul village laotien se rencontre entre Smia et Saravan : c’est Ban Tikout, qui sert de frontière à ces deux provinces.

Saravan, où M. de Lagrée arriva le 13 novembre, est situé sur la rive gauche du Se Don ; c’est un grand village agréablement situé et qui sert d’entrepôt aux produits de l’industrie des tribus sauvages qui l’entourent de toutes parts. Les habitations ont un air d’aisance remarquable ; les pagodes sont nombreuses et richement décorées. Deux maisons étaient prêtes pour recevoir les voyageurs français, d’autres étaient en construction. Les autorités locales s’attendaient sans doute à voir apparaître la suite nombreuse de porteurs et de gens de service qui accompagnent toujours dans le Siam les mandarins en voyage.

M. de Lagrée passa à Saravan la journée du 14. Le gouverneur vint lui rendre visite et fit écrire soigneusement par un secrétaire les noms et les qualités de ses hôtes. Il se montra fort empressé envers d’eux, et, dès le lendemain, il mit à leur disposition six éléphants et vingt hommes d’escorte. Il s’excusa de ne pouvoir faire davantage ; mais il était obligé de partir lui-même pour faire une tournée religieuse dans les diverses pagodes de sa province, et quatorze éléphants lui étaient indispensables,