Nous ne discuterons pas en ce moment les identifications plus ou moins heureuses qui ont été faites des lieux successivement décrits par les géographes et les voyageurs arabes. Il semble résulter de l’ensemble de leurs témoignages que, dès le huitième siècle de notre ère, toutes les côtes de la presqu’île de Malaca, de la Cochinchine, du Tong-king, étaient visitées par les navigateurs occidentaux. En 758, les Arabes et les Persans étaient si nombreux à Khan-fou[1], port le plus fréquenté de la Chine, qu’ils purent y exciter une sédition.
Malaca, ou tout autre port situé à l’extrémité de la presqu’île, devint le point de rencontre des flottes chinoises et des flottes arabes, en même temps que de nombreuses routes continentales, dont quelques-unes passaient par le Nord de l’Indo-Chine et le pays d’Assam, achevaient de mettre en communication les deux empires.
Les révoltes et les troubles qui se produisirent à Khan-fou et dans tout le Céleste Empire à la fin du neuvième siècle, et qui amenèrent la chute de la dynastie des Thang, ralentirent un instant les relations commerciales avec la Chine et les concentrèrent plus dans le Sud, dans les riches îles de la Sonde et aux embouchures des grands fleuves de l’Indo-Chine. Les conquêtes de Mahmoud le Gaznévide, qui étendirent au onzième siècle la domination musulmane jusqu’au Gange, la fondation de l’empire de Delhy et la ferveur bouddhique de certains empereurs de la Chine, amenèrent dans la suite de nombreux rapprochements entre ces derniers et les sultans de l’Inde. C’est à l’un de ces rapprochements que nous devons les voyages d’Ibn Batoutah, qui eurent lieu de 1342 à 1349, et qui fournirent quelques renseignements sur l’Indo-Chine.
Plus d’un demi-siècle avant lui, le Vénitien Marco Polo avait pénétré dans le Nord de la péninsule et parcouru une partie du Yun-nan, de la Birmanie et des régions intermédiaires. Son récit, tant de fois discuté, est un des documents les plus intéressants et les plus précieux pour la reconstitution de l’histoire de cette partie de l’Indo-Chine. Marco Polo visita également le royaume de Tsiampa sur les côtes orientales de la presqu’île.
Tout fait supposer que dès ce moment quelques marchands européens parcouraient déjà les côtes du golfe du Bengale et pénétraient au delà du Gange. À la suite des croisades, beaucoup de Grecs du Bas-Empire, de Génois et de Vénitiens avaient pénétré dans l’Orient et en avaient adopté le langage, le costume, les mœurs, et au besoin la religion. Mêlés aux Persans et aux Mores, ils venaient échanger contre des aromates, des étoffes et des pierres précieuses, quelques objets de quincaillerie, du safran et surtout le corail qui, dès la plus haute antiquité, a fourni l’article de la production européenne le plus recherché par les Asiatiques. La relation du Vénitien Nicolo di Conti, écrite au milieu du quinzième siècle, celle du Bolonais Ludovico Barthema, écrite au commencement du seizième, jettent une vive lumière sur la nature de ce commerce. Pendant le cours de ses voyages, qui durèrent vingt-cinq ans (de 1419 à 1444), Nicolo di Conti visita l’Aracan et le royaume d’Ava. Il a décrit avec soin cette capitale, dont le nom apparaît ici pour la première fois. Il paraît également avoir visité les côtes du Tsiampa. Ludovico Barthema parcourut, de 1502 à 1505, toutes les côtes méridionales de l’Asie, depuis le golfe Persique jusqu’à la
- ↑ Probablement Gan-pou de Marco Polo, dans la baie d’Hang-tcheou, et non Canton, qui à cette époque s’appelait Tbsing-haï.