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de la vallée du fleuve comprise entre Bassac et Nong Kay. À Luang Prabang, on se sert de ces coquilles appelées cauris (Cyprea moneta), jadis en usage en Chine, dans l’Inde, dans le grand archipel d’Asie et jusque dans le Soudan.

Les géographes arabes en mentionnent l’emploi dès le dixième siècle. « La reine des îles Dabihat, situées dans la mer de Herkend (Laquedives), dit Massoudi[1], n’a pas d’autre monnaie que les cauris. Lorsqu’elle voit son trésor diminuer, elle ordonne aux insulaires de couper des rameaux de cocotier avec leurs feuilles et de les jeter sur la surface de l’eau. Les animaux y montent ; on les ramasse et on les étend sur le sable du rivage, où le soleil les consume et ne laisse que les coquilles vides que l’on porte au trésor. » On trouve ce genre de monnaie indiqué déjà comme étant en usage dans l’Inde par le voyageur chinois Fa-hien, qui visita cette contrée à la fin du quatrième siècle[2], et il faut sans doute reconnaître les cauris dans les coquilles appelées pei, qui servaient de monnaie en Chine avant la création des sapèques par l’empereur Thsin-Chi-Hoang-ti (iie siècle avant notre ère). Ibn Batouta, qui écrivait au milieu du quatorzième siècle, dit que de son temps les habitants des îles Andaman donnaient quatre cent mille de ces coquilles pour un dinar d’or, et quelquefois davantage ; du temps de La Loubère (fin du dix-septième siècle), on donnait, à Siam, 6400 cauris pour un tical d’argent ; c’était aux îles Maldives, à Bornéo et aux Philippines que se pêchaient ces petits coquillages, que certains navires prenaient comme lest. Il y a vingt ans, les cauris s’échangeaient, à Bankok, à raison de 9600 pour un tical. Aujourd’hui, les coquilles ont presque disparu du marché de Bankok. À Luang Prabang, on ne trouve plus sans doute que le reliquat d’un stock, jadis considérable en Indo-Chine, de cette singulière monnaie. Chassée des côtes de la péninsule par le commerce européen et le renchérissement du prix des denrées, elle s’est réfugiée à l’intérieur du continent, où elle augmente de valeur au fur et à mesure qu’elle devient plus rare, et où elle ne tardera pas à disparaître complètement. Les chapelets usités à Luang Prabang se composent de cent coquilles, et l’on donne de vingt-deux à vingt-six de ces chapelets pour un tical, ce qui donne à chaque coquille une valeur d’un huitième de centime environ. Les transactions se discutent en chapelets et en fractions de chapelet.



Monnaies laotiennes : 1. Monnaie de fer de forme losangique, en usage à Stung Treng. — 2. Tical d’argent siamois et ses subdivisions. — 3. Lats de cuivre, usités à Bassac et à Ouboa. — 4. Chapelets de coquilles de Luang Prabang. — 5. Lingots d’argent usités dans le Laos birman.

  1. Les Prairies d’or, traduction Barbier de Meynard et Pavet de Courteille, t. I, p. 337.
  2. Foe Koue Ki ou Relation des royaumes bouddhiques, traduction A. Rémusat, p. 100 et 106.