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ESSAI HISTORIQUE SUR LE NORD DE L’INDO-CHINE.

Hong-ban. Elle aurait régné depuis les temps de Yu jusqu’au iiie siècle avant notre ère. Kinh-dreuong donna à son royaume le nom de Xich-qui[1]. Il eut de la fille du chef de Dong-dinh, appelée Than-long[2], un fils qui s’appela Lac-lung, « renard, dragon ». Celui-ci épousa Au-cu, fille de De-lai. Je laisse ici parler la chronique annamite. — « Au-cu accoucha de cent œufs qui produisirent chacun un garçon. Lac-lung dit alors à sa femme : Je suis de la race des dragons, et vous êtes de celle des immortels. L’eau et le feu se font la guerre et l’on ne peut les réunir. Il quitta ensuite sa femme et alla avec cinquante de ses fils vers la mer ; les cinquante autres restèrent avec Au-cu dans les montagnes. Les premiers prirent le nom de Thuy-tinh, « familles des eaux » ; les seconds, de So’n-tinh, « familles des montagnes »[3]. Hung, l’aîné de tous, fut roi. » — Il établit sa capitale à Phong-chan[4]. Son royaume, qu’il appela Van-lang, avait pour limites au nord le lac Dong-dinh, à l’est la mer, à l’ouest Ba-thuc ou le territoire actuel de Cao-bang, au sud le royaume de Ho-ton (?). Il était divisé en quinze préfectures. Le chef civil de chaque district était appelé Lac-han, le chef militaire, Lac-tu’o’ng, le juge Bo-chanh. Le fils du roi avait le titre de Quan-lang, sa fille, celui de Mi-nang. Ces derniers titres sont encore portés par les chefs et leurs filles dans les Muongs ou provinces laotiennes qui dépendent du Tong-king.

Les So’n-tinh paraissent avoir formé un royaume à part au sud-ouest du Tong-king, dans la région montagneuse qui avoisine le Nghe-an. Les Thuy-tinh choisirent Ba-thue ou Cao-bang pour leur capitale. Au bout de dix-huit générations, le roi de Van-long, nommé Ly-the, n’avait qu’une fille qui fut recherchée en mariage par le roi de Ba-thue et celui des So’n-tinh. Ce fut celui-ci qui l’emporta, et il en résulta une guerre acharnée entre les deux rivaux, guerre dans laquelle le roi de Ba-thue fut vaincu.

Un peu plus tard, un roi de Ba-thue, nommé Yen-dreuong, qui régna de 257 à 207 avant Jésus-Christ, fit la conquête du royaume de Van-long, le réunit à ses États et donna à son empire le nom d’Au-lac. Sa capitale était à Ou-tcheouf ou dans le Kiang-si. Il jeta sur les frontières du Viet-thuong (Youe-tchang) les fondements d’une forteresse qui avait dix mille pieds d’étendue. Elle s’appela Lao-thanh « parce qu’elle avait la forme de la coquille lao ». On la désigna aussi sous les noms de Tu’-long, « les quatre dragons », et de Con-hon, « le grand monticule », à cause de la hauteur prodigieuse de ses murailles.

  1. Ces mots signifient : « Diable rouge ». Il faut chercher peut-être la raison d’être de cette appellation dans l’habitude de chiquer le bétel, qui est commune aux Laotiens et aux Annamites et qui rend la salive et les lèvres d’un rouge de sang. L’aréquier et le bétel sont encore cultivés aujourd’hui dans la partie chinoise de la vallée du fleuve du Tong-king et ils devaient l’être à cette époque sur les bords du fleuve de Canton qui jouissent d’un climat analogue.
  2. Marini lui donne le nom de Than-lao. Dong-dinh est sans doute la transcription annamite du nom du lac Tong-ting situé sur la rive droite du Yang-tse kiang et dont le territoire, comme on le verra plus loin, limitait au nord le royaume de Van-lang.
  3. Ikchvakou, premier prince de la dynastie solaire qui régna à Ayodhya, eut aussi cent fils dont cinquante régnèrent sur les contrées du nord et cinquante sur celles du sud. La vague ressemblance de ces deux traditions est sans doute purement fortuite.
  4. Le nom chinois correspondant est Foung-tchouen. Il y a aujourd’hui une ville de ce nom près de Outcheou, chef-lieu de département du Kouang-tong. On trouve dans le Dictionnaire de Biot que cette dernière ville était sous les Tcheou (1134-255 av. J.-C.) le pays des Youe du nord. (Consulter la carte générale de l’Indo-Chine et de la Chine centrale, Atlas, Ier partie, pl. I, et le diagramme inséré pages 128-129).