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ESSAI HISTORIQUE SUR LE NORD DE L’INDO-CHINE.

Le roi des Min-youe (Fo-kien) lui fit la guerre. Tchao-hou fut secouru par les Chinois qui avaient à se plaindre des excursions qu’avaient faites les Min-youe dans le Tche-kiang, deux ans auparavant. Malgré les remontrances du prince de Hoai-nam, l’empereur Hiao-wou-ti envoya une armée contre le roi des Min-youe ; celui-ci fut livré par son frère, mis à mort et son royaume réuni à l’empire chinois. L’adresse du prince de Hoai-nam à Hiao-wou-ti est reproduite en entier dans les annales annamites et l’on y trouve quelques indications intéressantes. « Les peuples de Youe, dit cette adresse, se rasent les cheveux et se tatouent le corps. Ils sont légers et changeants, faibles et peu industrieux. Le pays qu’ils habitent est plein de forêts impénétrables, remplies de serpents et de tigres ; les pluies continuelles et les chaleurs de l’été y engendrent des maladies mortelles. »

L’empereur Hiao-wou-ti, encouragé par ce premier succès, acheva, en 130, la conquête du pays du Ye-lang et de Ye-yu, comprenant le nord et l’est du Yun-nan, et la partie ouest de Kouy-tcheou. En 139, il s’était emparé des villes de Kouang-nan, Kouang-si, Yun-ne et Li-kiang. C’est de cette époque que date l’établissement de la province de Kien-ouei, dont les villes actuelles de Kia-ting et de Siu-tcheou fou formaient à peu près le centre ; de celle de Tsang-ko, qui comprenait le sud-est du Yun-nan et l’ouest du Kouy-tcheou, jusqu’à la ville de Lin-ngan au sud, et de Li-ping à l’ouest ; de celle d’Y-tcheou qui s’étendait de Ta-ly à Tchin-kiang.

Le royaume de Nan-youe ne tarda pas à succomber à son tour. En l’an 111-110 avant Jésus-Christ, quatre armées chinoises l’envahirent par quatre routes différentes. Les généraux Lou-pou-te et Yang-pou investirent la capitale et brûlèrent un des faubourgs ; le roi essaya de s’enfuir et fut pris. Tout le pays fut soumis et partagé en neuf districts. Ceux de Kiao-tchi, Kieou-tchin et Fi-nan furent laissés au gouvernement de leurs chefs annamites. Il est intéressant de citer les noms des six autres pour faire connaître la situation exacte du royaume de Nan-youe. Ce sont : Nan-haï (Nan-hai en annamite), qui est le département actuel de Canton ; Tsang-ou (Thu’o’ng-ngo), département de Ou-tcheou dans le Kouang-si ; Yo-lin (Uat-lam), département de Tsin-tcheou ; Ho-pou (Hap-pho), département de Lien-tcheou dans le Kouang-tong ; Tan-eul (Chan-nhai), département de Kiong-tcheou dans l’île d’Haï-nan ; et Tchu-yai (Thiem-nhi), département de Tan-tcheou dans la même île[1]. Ainsi finit le royaume fondé par Yen-dreuong. Les So’n-tinh paraissent à ce moment les seuls descendants de Kinh-dreuong qui conservèrent leur indépendance.

Là ne s’arrêtèrent pas les conquêtes de Hiao-wou-ti. L’angle sud-ouest de la province de Yun-nan était occupé par la principauté de Tien, qui s’étendait jusqu’à la ville de Nan-ning, presque sur les bords du lac de Yun-nan, et qui était tributaire elle-même d’un grand royaume appelé Ma-mo. Dans la même région, se trouvait le royaume de Lao-chin. Le général chinois Kon-tchang fit, en 108, la conquête de ces trois États. Le royaume de Tien conserva ses chefs naturels et prit le nom de province de Tcheou-kiun.

Il faut reconnaître, sans doute, dans le pays de Tien et dans celui de Lao-chin, des

  1. Consultez Ta thsing y thoung tchi K. 368 f. 1 ; Yuen kien louy han, K. 232, f. 19 ; de Mailla, op. cit., t. 111, p. 13-16, 27-28, 55-57, 66 ; P. Legrand de la Liraye op. cit., p. 30-38 ; pour les identifications des territoires et des noms géographiques le Dictionnaire de Biot, aux noms cités.