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avec le prisonnier, que je fis remettre aux mains des autorités chinoises, en leur demandant une punition exemplaire. Nous allâmes loger dans la vaste et confortable résidence de monseigneur Desflèches, vicaire apostolique du Se-tchouen oriental. Son évêché, détruit pendant une émeute de la populace, a été reconstruit aux frais du gouvernement chinois, qui n’a rien épargné pour le rendre sûr et commode. De hautes murailles l’isolent du reste de la ville et on jouit, à l’intérieur des vastes cours qui y distribuent l’air et la lumière, d’une sécurité et d’une tranquillité que nos émotions précédentes nous firent vivement apprécier. Pendant que les chrétiens de Tchong-kin s’occupaient de nous procurer une grande jonque, qui pût remplacer celles qui nous avaient amenés et nous conduire jusqu’à Han-keou, j’expédiai à Shang-hai par un courrier spécial un rapport adressé au gouverneur de la Cochinchine, l’informant de la mort de M. de Lagrée, des principaux incidents qui avaient signalé notre voyage à Ta-ly et de notre prochain retour.

Monseigneur Desflèches, qui était en tournée pastorale, n’arriva à Tchong-kin fou que le 17 mai. Il voulut bien se charger de rembourser la somme que le Ma ta-jen nous avait prêtée à Yun-nan et que je devais verser à mon arrivée à Shang-hai à la procure des Missions Étrangères.

Toutes les affaires laissées en souffrance par la Commission se trouvant ainsi définitivement réglées, nous partîmes le 18 mai pour Han-keou. Le lendemain, nous passâmes la nuit à Fou-tcheou, ville importante située à l’embouchure du Kian kiang, rivière qui vient de Kouei-yang, capitale du Koui-tcheou. Le 20 et le 21 mai, nous nous arrêtâmes à Tchoung tcheou et à Ouan hien. C’est à Tchoung tcheou que le lettré chrétien Thomas Ko vint m’offrir ses services. Son intelligente curiosité me frappa et je lui proposai de venir en France avec moi pour m’aider à traduire les documents chinois que je rapportais. Il accepta avec empressement, me demanda quelques jours pour régler les affaires de la chrétienté qu’il était chargé d’administrer en l’absence du prêtre titulaire et me promit de me rejoindre à Han-keou.

À partir d’Ouan hien, le fleuve se rétrécit entre deux murailles de roches. Un vent violent contraria notre marche ; nous n’arrivâmes à Koui-tcheou fou que le 22 à neuf heures du soir. Cette ville bâtie sur un étroit plateau, à une hauteur de trente à quarante mètres au-dessus du fleuve se trouve entourée de tous côtés par de hautes montagnes ; ses environs sont riches, dit-on, en gisements métallurgiques. Une douane fonctionne en ce point. Elle prélevait, en 1868, 6 p. 100 de la valeur des marchandises importées dans le Se-tchouen, un peu moins pour les marchandises exportées. L’exportation la plus importante de la province est la soie grège ; elle atteignait à cette époque 60 à 70,000 kilogrammes et paraissait peu en rapport avec la production totale de la province. La douane de Koui-tcheou rapportait alors de 10 à 12 millions par an.

Nous passâmes à Koui-tcheou fou quelques heures agréables avec le P. Vainçot, missionnaire apostolique. Il signala au géologue de l’expédition les intéressants débris paléontologiques que contiennent les grottes du voisinage.

Nous repartîmes de Koui-tcheou le 23 mai dans l’après-midi. À très-peu de distance en aval de la ville, le fleuve s’encaisse de plus en plus ; des rochers d’une hauteur consi-