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NOTIONS GÉNÉRALES SUR LES MONUMENTS KHMERS.

rapport au grand axe de l’édifice, et qui servaient sans doute à renfermer les objets du culte.

Ces dispositions générales peuvent être modifiées de bien des manières. Quelquefois les trois enceintes sont mises en communication sur un plus grand nombre de points, par des galeries parallèles aux galeries médianes ; l’un des rectangles est remplacé par un mur plein ou se trouve même complètement supprimé ; quand la construction est très-considérable, elle se trouve annoncée à grande distance par une quatrième enceinte, autour de laquelle règne un large fossé. En outre de la tour centrale, il y en a souvent d’autres placées symétriquement aux angles des galeries. Enfin, les édicules prennent parfois des dimensions telles qu’ils constituent à eux seuls un monument complet et remarquable. (Voy. le dessin ci-contre.)

Tours ou Preasal. — Après ces deux grandes catégories de monuments, viennent des édifices de moindre importance, tels que les tours ou Preasat, qui, soit isolées, soit groupées en certain nombre, sont entourés d’une enceinte et contiennent un sanctuaire. Aux angles intérieurs de l’enceinte ou en dedans de la façade principale s’élèvent souvent des édicules. Les tours isolées que n’entoure aucune enceinte, et qui forment une catégorie assez nombreuse, paraissent ne pas avoir eu une destination religieuse ; quelques indices feraient supposer que, à l’instar des pyramides que l’on élève encore aujourd’hui en pareille circonstance, elles ont dû contenir la sépulture des rois et des grands personnages[1]. Dans quelques-unes d’entre elles, on retrouve, en effet, un trou profond avec parement en pierre, qui pouvait avoir cette destination ; au-dessus s’élevait sans doute une statue, mais là, comme d’ailleurs dans les tours des grands édifices, non-seulement les statues ont disparu, mais les socles mêmes qui les supportaient ont été bouleversés : les vainqueurs au temps des luttes, les habitants mêmes du pays depuis la décadence, ont recherché avidement les vases d’or et d’argent qui contenaient les restes des morts et les objets précieux qu’on ensevelissait avec eux.

Pagodes ou Wat. — Nous donnerons plus particulièrement ce nom aux ruines que l’on rencontre en grand nombre dans la ville d’Angcor et aux environs et qui ne consistent qu’en une enceinte basse au centre de laquelle se trouve un piédestal et une statue de Bouddha. Tout porte à croire, en effet, que c’étaient là les temples à l’usage du peuple. Au-dessus de la statue, s’élevait probablement une construction en bois destinée à la protéger. Le plus grand nombre de ces idoles a aujourd’hui disparu et celles qui restent en place appartiennent à une époque bien postérieure au monument lui-même. Après l’abandon d’Angcor comme capitale du royaume, la piété des rois et des peuples a dû, en effet, plus d’une fois relever les temples et remplacer les statues détruites pendant les guerres ou les invasions.

Portes de ville ou d’enceinte. — Ces portes, ordinairement à une et quelquefois à trois ouvertures, sont de véritables monuments ; on pourrait dire : des arcs de triomphe. Elles sont surmontées d’une ou de trois tours et rejointes à l’enceinte par une galerie voûtée qui offrait un logement aux gardes de la porte.

  1. La description du royaume du Cambodge par un voyageur chinois qui l’a visité en 1295 dit, en effet (p. 70) : « Il y a une sépulture avec une tour pour les rois. » (Traduction d’Abel Bémusat. Paris, 1819.)