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Les grandes colonnes n’ont point de base ; les petites ont à la fois base et chapiteau sculptés ; cette différence, qui est générale dans tout l’édifice, a été indiquée sur le plan par un second trait entourant la projection du fût. Au centre de la galerie, s’ouvrent trois portes sommées chacune d’une tour. À la base de ces tours, la galerie s’étoile en croix grecque dont les bras perpendiculaires, ouverts aux deux extrémités et terminés par des péristyles, forment les entrées elles-mêmes. La colonnade s’interrompt dans cette partie centrale de la galerie : elle est remplacée par un mur coupé de fenêtres. Vers ses extrémités, la galerie s’étoile de nouveau et sa voûte se surélève pour deux nouvelles ouvertures ; celles-ci coupent le soubassement lui-même et se trouvent au niveau de l’espèce de berme de 43 mètres de large qui règne en dedans du fossé. Elles servaient au passage des chars, comme en témoignent les profonds sillons que l’on retrouve aujourd’hui creusés dans la pierre. Enfin, la galerie se termine aux deux bouts par deux portes fermées, admirablement sculptées[1]. Au delà, commence un mur plein qui enclot tout l’édifice. Il y a une entrée beaucoup moins monumentale, au milieu de chacune des trois autres faces de cette première enceinte. Celle-ci mesure 820 mètres dans le sens nord et sud et 960 dans le sens est et ouest. Son développement total est donc de 3560 mètres ; hors fossés, le circuit de l’édifice atteint 5540 mètres. L’escarpe et la contre escarpe du fossé sont revêtues en pierre de Bien-boa, avec margelle en grès.

Le soubassement, les colonnes, les pilastres surtout qui encadrent les portes de cette première entrée, les toits, les barreaux de pierre des fenêtres sont couverts de sculptures, et l’on trouve dès le seuil de l’édifice les merveilles d’ornementation que l’on aura à admirer dans l’édifice lui-même.

Dès qu’on a franchi l’entrée centrale et regagné par trois marches la chaussée de pierre qui se continue en dedans de l’enceinte, le temple apparaît aux regards, à plus de 400 mètres de distance, élevant ses neuf tours, dont quelques-unes sont malheureusement presque entièrement ruinées, au-dessus des bouquets de palmiers qui ombragent la façade. La chaussée, sur laquelle on chemine toujours, est à un mètre environ au-dessus du sol ; elle s’étoile tous les 50 mètres en petites plates-formes décorées aux angles saillants de dragons de pierre à sept têtes[2]. À la hauteur de la troisième de ces plates-formes, on passe entre deux sanctuaires à quadruple entrée et à colonnade intérieure que la végétation a envahis complètement. Immédiatement après commencent des deux côtés de la chaussée deux Sra ou bassins, à revêtement de grès, où croissent d’innombrables nénuphars ; ils se prolongent jusqu’à l’esplanade qui s’étend en avant de l’édifice. Au centre de cette esplanade, et dans l’axe de la chaussée, s’élève une magnifique terrasse en forme de croix latine ; elle est supportée par quatre-vingt dix-huit colonnes rondes admirablement ciselées[3]. Trois escaliers de douze marches terminent les trois bras extérieurs de la terrasse. Sa partie cen-

  1. C’est l’une de ces portes qui est représentée planche XIX. Elle peut être considérée comme le type le plus parfait du genre.
  2. Voy. Atlas, 1re partie, planche XVIII, le détail d’un de ces dragons.
  3. Voy. Atlas, lre partie, planche XIX, le dessin d’une de ces colonnes. Mouhot les a crues au nombre de cent douze. Il ne paraît pas s’être aperçu du défaut de symétrie de l’édifice, et c’est là la cause des différences que présentent les chiffres qu’il a donnés et ceux que je donne ici.