Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/173

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La terreur fut grande à Rome ; cependant le vainqueur, après avoir dévasté l’Étrurie, attaqué en vain Spolète, traversa l’Apennin, se jeta dans l’Ombrie, le Picenum, et de là se dirigea, par le Samnium, vers les côtes de l’Apulie. En effet, arrivé jusqu’au centre de l’Italie, privé de toute communication avec la mère patrie, sans les machines nécessaires pour un siège, sans ligne de retraite assurée, ayant sur ses derrières l’armée de Sempronius, que devait faire Annibal ? Mettre les Apennins entre lui et Rome, se rapprocher des populations mieux disposées en sa faveur, enfin, par la conquête des provinces méridionales, établir une base d’opérations solide, en rapport direct avec Carthage. Malgré la victoire de Trasimène, sa position était critique, car, excepté les Gaulois cisalpins, tous les peuples italiotes demeuraient fidèles à Rome, et aucun, jusqu’alors, n’était venu grossir son armée[1]. Aussi Annibal resta-t-il plusieurs mois entre Casilinum et Arpi, où Fabius, par ses habiles manœuvres, serait parvenu à affamer l’armée carthaginoise, si son commandement n’eût pas expiré ; d’ailleurs le parti populaire, irrité d’un système de temporisation qu’il accusait de lâcheté, éleva au consulat, comme collègue d’Æmilius Paulus, Varron, homme incapable. Forcé de se tenir en Apulie, pour faire vivre ses troupes, Annibal, imprudemment attaqué, défit entièrement, près de Cannes, deux armées consulaires composées de huit légions et d’un nombre égal d’alliés, s’élevant à 87 000 hommes (538)[2]. Un des consuls périt, l’autre s’échappa, suivi seulement de quelques cavaliers. 40 000 Romains avaient été tués ou pris, et Annibal envoya à Carthage un boisseau d’anneaux d’or

  1. Polybe, III, xc. — « Les alliés étaient jusqu’alors restés fermes dans leur attachement. » (Tite-Live, XXII, lxi.) — « Cette fidélité qu’ils nous ont gardée au milieu de nos revers. » (Discours de Fabius, Tite-Live, XXII, xxxix.)
  2. Il y avait dans les troupes romaines de la cavalerie samnite. (Tite-Live, XXVII, xliii.)