Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/202

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magnanimité dans le succès, tant de prudence dans la conduite, semblent-elles se démentir à dater de la période de vingt-deux ans qui sépare la guerre contre Persée de la troisième guerre punique ? C’est qu’une fortune excessive éblouit les nations comme les rois. Lorsque les Romains en vinrent à penser que rien ne leur résisterait plus, parce que rien jusque-là ne leur avait résisté, ils se crurent tout permis. Ils ne firent plus la guerre pour protéger leurs alliés, défendre leurs frontières ou briser les coalitions, mais pour écraser les faibles et exploiter les nations à leur profit. Il faut reconnaître aussi que la mobilité des peuples, fidèles en apparence, mais tramant toujours quelque défection, les dispositions haineuses des rois, cachant leurs ressentiments sous les dehors de la bassesse, concouraient à rendre la République plus soupçonneuse, plus exigeante, et la portaient à compter désormais plutôt sur des sujets que sur des alliés. Vainement le sénat cherchait à suivre les grandes traditions du passé, il n’était plus assez fort pour contenir les ambitions individuelles ; et les mêmes institutions qui faisaient jadis éclore les vertus ne protégeaient désormais que les vices de Rome agrandie. Les généraux osaient ne plus obéir : ainsi le consul Cn. Manlius attaque les Gallo-Grecs en Asie sans l’ordre du sénat[1] ; A. Manlius prend sur lui de faire une expédition en Istrie[2] ; le consul C. Cassius abandonne la Cisalpine, sa province, et tente, de son chef, de pénétrer en Macédoine par l’Illyrie[3] ; le préteur Furius, de sa propre autorité, désarme une population de la Gaule cisalpine, les Cénomans, en paix avec Rome[4] ; Popilius Lænas attaque les Statyellates sans motifs et vend dix mille d’entre eux ; d’autres enfin oppriment les peuples d’Es-

  1. Tite-Live, XXXVIII, xlv.
  2. Tite-Live, XLI, vii.
  3. Tite-Live, XLIII, i.
  4. Tite-Live, XXXIX, iii.