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Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/227

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Tiberius[1]. En effet, comme le dit Machiavel : « Les hommes font plus d’estime de la richesse que des honneurs mêmes, et l’opiniâtreté de l’aristocratie romaine à défendre ses biens contraignit le peuple à recourir aux voies extrêmes[2]. »

Les principaux opposants, grands propriétaires, tels que le tribun Octavius et Scipion Nasica, attaquaient par tous les moyens l’auteur de la loi qui les dépouillait, et un jour le sénateur Pompeius alla jusqu’à dire que le roi de Pergame avait envoyé à Tiberius une robe de pourpre et le diadème, signes de la future royauté du tribun[3]. Celui-ci, pour s’en défendre, eut recours à des propositions inspirées plutôt par le désir d’une vaine popularité que par l’intérêt général. La lutte s’envenimait chaque jour, et ses amis l’engageaient à se faire renommer tribun, afin que l’inviolabilité de sa charge lui devînt un refuge contre les attaques de ses ennemis. Le peuple fut donc convoqué ; mais le plus solide appui de Tiberius lui fit défaut : les habitants de la campagne, retenus par la moisson, ne répondirent pas à l’appel[4].

Tiberius ne voulait qu’une réforme, et, à son insu, il avait commencé une révolution. Or, pour l’accomplir, il ne réunissait pas les qualités nécessaires. Mélange singulier de douceur et d’audace, il déchaînait la tempête et n’osait pas lancer la foudre. Entouré de ses adhérents, il marcha aux comices avec plus de résignation que d’assurance. Les tribus, réunies au Capitole, commençaient à donner leurs votes, lorsque le sénateur Fulvius Flaccus vint avertir Tiberius que, dans l’assemblée du sénat, les riches, entourés de leurs esclaves, avaient résolu sa perte. Cette nouvelle produisit une vive agitation autour du tribun, et les plus éloi-

  1. Plutarque, Tib. Gracchus, xii.
  2. Machiavel, Discours sur Tite-Live, I, xxxvii.
  3. Plutarque, Tib. Gracchus, xvi.
  4. Appien, Guerres civiles, I, ii, 14.