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Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/228

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gnés demandant la cause du tumulte, Tiberius porta la main à sa tête pour donner à comprendre le danger qui le menaçait[1]. Alors ses ennemis coururent au sénat, et, interprétant contre lui le geste qu’ils avaient remarqué, le dénoncèrent comme aspirant à la royauté. Le sénat, précédé du souverain pontife, Scipion Nasica, se rendit au Capitole. La troupe de Tiberius fut dispersée, et lui-même trouva la mort, avec trois cents des siens, près de la porte de l’enceinte sacrée. Tous ses partisans furent recherchés et subirent le même sort, entre autres le rhéteur Diophane.

L’homme avait succombé, mais la cause restait debout, et l’opinion publique forçait le sénat à ne plus s’opposer à l’exécution de la loi agraire, à remplacer Tiberius, commissaire pour le partage des terres, par Publius Crassus, allié des Gracques ; le peuple compatissait au sort de la victime et maudissait les bourreaux. Scipion Nasica ne jouit pas de son triomphe : pour le soustraire au ressentiment général, on l’envoya en Asie, où il mourut misérablement.

L’exécution de la loi rencontrait néanmoins bien des obstacles. Les limites de l’ager publicus n’avaient jamais été bien définies ; peu de titres subsistaient, et ceux qu’on pouvait produire étaient souvent inintelligibles. La valeur de ces biens avait, d’ailleurs, prodigieusement changé. Il fallait indemniser ceux qui avaient défriché des terres incultes ou fait des améliorations. La plupart des lots renfermaient des édifices religieux et des sépultures. Dans les idées antiques, c’était un sacrilège de leur donner une autre destination. Les possesseurs de l’ager publicus, soutenus par le sénat et l’ordre équestre, exploitaient habilement toutes ces difficultés. Les Italiotes ne montraient pas moins d’ardeur à protester contre le partage des terres, sachant bien qu’il ne leur serait pas aussi favorable qu’aux Romains.

  1. Plutarque, Tib. Gracchus, xvi, xxii.