Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/279

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sentiments de reconnaissance pour l’hospitalité qu’il en avait reçue : ce fut cette raison qui l’engagea à défendre toujours leurs intérêts et plus tard à devenir leur patron, comme il résulte du fragment d’un discours conservé par Aulu-Gelle[1]. Les motifs de sa conduite furent néanmoins tellement dénaturés, que des allusions injurieuses se retrouvent dans certains débats du sénat et jusque dans les chansons des soldats qui suivaient son char de triomphe[2]. Mais ces sarcasmes,

  1. C. César, grand pontife, dans son discours pour les Bithyniens, s’exprime ainsi dans son exorde : « L’hospitalité que j’ai reçue du roi Nicomède, le lien d’amitié qui m’unit à ceux dont la cause est débattue, ne m’ont pas permis, Marcus Juncus, de décliner cette charge (celle d’être l’avocat des Bithyniens) ; car la mort ne doit pas effacer chez leurs proches la mémoire de ceux qui ont vécu, et l’on ne saurait, sans la dernière des hontes, abandonner ses clients, eux à qui nous devons appui, immédiatement après nos proches. » (Aulu-Gelle, V, xiii.)
  2. « Rien ne porta préjudice à sa réputation sous le rapport de la pudicité, dit Suétone, excepté son séjour chez Nicomède ; mais l’opprobre qui en rejaillit sur lui fut grave et durable ; il l’exposa aux railleries de tous. Je ne dirai rien de ces vers si connus de Calvus Licinius :

    ....... Bithynia quidquid
    Et pedicator Cæsaris unquam habuit
    .

    Je tairai les discours de Dolabella et de Curion le père… Je ne m’arrêterai pas non plus aux édits par lesquels Bibulus affichait publiquement son collègue, en le taxant de reine de Bithynie… M. Brutus nous apprend qu’un certain Octavius, que le dérangement de sa tête autorisait à tout dire, se trouvant un jour dans une assemblée nombreuse, appela Pompée roi, puis salua César du nom de reine. C. Memmius aussi lui reproche de s’être mêlé avec d’autres débauchés pour présenter à Nicomède les vases et le vin de la table ; et il cite le nom de plusieurs négociants romains qui étaient au nombre des convives… Cicéron l’apostropha un jour en plein sénat. César y défendait la cause de Nysa, fille de Nicomède ; il rappelait les obligations qu’il avait à ce roi. « Passons sur tout cela, je te prie, s’écria Cicéron, on ne sait que trop ce qu’il t’a donné et ce qu’il a reçu de toi. » À son triomphe sur les Gaules, les soldats, parmi les vers satiriques qu’ils ont coutume de chanter en suivant le char du général, répétèrent ceux-ci, qui sont fort connus :

    Gallias Cæsar subegit, Nicomedes Cæsarem.
    Ecce Cæsar nunc triumphat, qui subegit Gallias :
    Nicomedes non triumphat, qui subegit Cæsarem. »

    (Suétone, César, xlix.)