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Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/282

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inspirait aucune confiance[1], mais il devait penser que la dictature de Sylla était trop récente, qu’elle avait inspiré trop de craintes, créé trop d’intérêts nouveaux, pour que la réaction, incomplète dans les esprits, pût déjà réussir par les armes. Il fallait, pour le moment, se borner à agir sur l’opinion publique, en flétrissant par la parole les instruments de la tyrannie passée.

Le moyen le plus ordinaire d’entrer dans la carrière politique était de susciter un procès à de hauts personnages[2] ; le succès importait peu ; l’essentiel était de se mettre en évidence par quelque discours remarquable et de faire preuve de patriotisme.

Cornelius Dolabella, un des amis de Sylla, honoré du consulat et du triomphe, et deux ans auparavant gouverneur de la Macédoine, fut alors accusé par César d’excès commis dans son gouvernement (677). Il fut absous par le tribunal, composé des créatures du dictateur[3] ; l’opinion publique n’en loua pas moins César d’avoir osé attaquer un homme que soutenaient des personnages éminents et que défendaient des orateurs tels que Hortensius et L. Aurelius Cotta. D’ailleurs, il déploya une telle éloquence, que ce premier discours lui valut tout d’abord une véritable célébrité[4].

  1. Suétone, César, iii.
  2. « Les Romains regardaient comme honorables les accusations qui n’avaient pas pour motif des ressentiments particuliers, et l’on aimait que les jeunes gens s’attachassent à la poursuite des coupables comme des chiens généreux s’acharnent sur les bêtes sauvages. » (Plutarque, Lucullus, i.)
  3. Plutarque, César, iv. — Asconius, Discours pour Scaurus, XVI, ii, 245, éd. Schütz.
  4. Valère Maxime, viii, ix, § 3. « César avait vingt et un ans lorsqu’il attaqua Dolabella par un discours que nous lisons encore aujourd’hui avec admiration. » (Tacite, Dialogue sur les orateurs, xxxiv.) — D’après l’ordre chronologique que nous avons adopté, César, au lieu de vingt et un ans, aurait eu vingt-trois ans ; mais comme Tacite, dans la même citation, se trompe aussi de deux ans en donnant à Crassus, qui avait accusé Carbon, dix-neuf ans au lieu de vingt et un, on peut admettre qu’il a commis la même erreur pour César. En effet,