Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/296

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ce qui l’y ramena contre Sylla ; voilà ce qui fit de Cinna le meurtrier d’Octavius, et de Fimbria le meurtrier de Flaccus. Sylla fut la principale cause de ces maux, lui qui, pour séduire les soldats enrôlés sous d’autres chefs et les attirer sous ses drapeaux, répandit l’or à pleines mains dans son armée[1]. »

On était loin de ces temps où le soldat, après une courte campagne, déposait ses armes pour reprendre la charrue ; mais depuis, retenu sous les drapeaux pendant de longues années, et revenant, à la suite d’un général victorieux, voter dans le Champ-de-Mars, le citoyen avait disparu ; restait l’homme de guerre avec la seule inspiration des camps. Au terme des expéditions, on licenciait les armées, et l’Italie se trouvait ainsi couverte d’un nombre immense de vétérans, réunis en colonies ou dispersés sur le territoire, plus disposés à suivre un homme qu’à obéir à la loi. C’était par centaines de mille qu’il fallait compter les vétérans des anciennes légions de Marius et de Sylla.

Un État, d’ailleurs, s’affaiblit souvent par l’exagération du principe sur lequel il repose. Et, comme à Rome la guerre était la principale préoccupation, toutes les institutions avaient, dès l’origine, un caractère militaire. Les consuls, premiers magistrats de la République, élus par les centuries, c’est-à-dire par le peuple votant sous les armes, commandaient les troupes. L’armée, composée de ce qu’il y avait de plus honorable dans la nation, ne prêtait pas serment à la République, mais au chef qui la recrutait et la conduisait à l’ennemi ; ce serment, tenu religieusement, rendait les généraux maîtres absolus de leurs soldats, qui, à leur tour, après une victoire, leur décernaient le titre d’Imperator. Quoi donc de plus naturel, même après la transformation de la société, que ces soldats se crussent

  1. Dion-Cassius, lxxxvi, Fragm. ccci, éd. Gros.