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Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/297

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toujours le vrai peuple, et les généraux élus par eux les chefs légitimes de la République ? Tout abus a de longues racines dans le passé, et on peut retrouver la cause originelle de la puissance des prétoriens sous les empereurs dans l’organisation primitive et les attributions des centuries établies par Servius Tullius.

Quoique l’armée n’eût pas encore acquis cette prépondérance, elle pesait pourtant d’un grand poids dans les décisions du Forum. À côté des hommes habitués aux nobles hasards des combats, existait une véritable armée de l’émeute, entretenue aux frais de l’État ou des particuliers, dans les villes principales de l’Italie, surtout à Capoue : c’étaient les gladiateurs, prêts sans cesse à tout entreprendre en faveur de ceux qui les payaient, soit dans les luttes électorales[1], soit, comme soldats, en temps de guerre civile[2].

Ainsi tout était frappé de décadence. La force brutale donnait le pouvoir, et la corruption les magistratures. L’empire n’appartenait plus au sénat, mais aux commandants des armées ; les armées n’appartenaient plus à la République ; mais aux chefs qui les conduisaient à la victoire. De nombreux éléments de dissolution travaillaient la société : la vénalité des juges, le trafic des élections, l’arbitraire du sénat, la tyrannie de la richesse, qui opprimait le pauvre par l’usure et bravait la loi par l’impunité.

Rome se trouvait divisée en deux opinions bien tranchées : les uns, ne voyant de salut que dans le passé, s’attachaient aux abus par la crainte que le déplacement d’une seule pierre ne fît écrouler l’édifice ; les autres voulaient le consolider en rendant la base plus large et le sommet moins chancelant. Le premier parti s’appuyait sur les institutions

  1. Cicéron, Des Devoirs, II, 17. — Lettres à Quintus, II, vi. — Plutarque, Brutus, xiv.
  2. Florus, III, xxi.