Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/346

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mépris de leurs concitoyens. Cicéron lui-même payera bientôt de l’exil sa rigueur envers les complices de Catilina.

Le discours de César avait fait une telle impression sur l’assemblée, que plusieurs sénateurs, entre autres le frère de Cicéron, se rallièrent à son avis[1]. Decimus Silanus, consul désigné, modifia le sien, et Cicéron enfin semblait prêt à dégager sa responsabilité en disant : « Si vous adoptez l’opinion de César, comme il s’est toujours attaché au parti qui passe dans la République pour être celui du peuple, il est probable qu’une sentence dont il sera l’auteur et le garant m’exposera à moins d’orages populaires[2]. » Cependant il persévéra dans la demande de la mise à mort immédiate des accusés. Mais Caton surtout raffermit la majorité chancelante du sénat par les paroles les plus capables d’influencer son auditoire ; loin de faire vibrer les sentiments élevés et le patriotisme, il en appelle aux intérêts égoïstes et à la peur. « Au nom des dieux immortels, s’écrie-t-il, je vous adjure, vous, pour qui vos maisons, vos terres, vos statues, vos tableaux, ont toujours été d’un plus grand prix que la République, si ces biens, de quelque nature qu’ils soient, vous voulez les conserver ; si à vos jouissances vous voulez ménager un loisir nécessaire, sortez enfin de votre engourdissement et prenez en main la chose publique[3] ; » ce qui veut dire, en d’autres termes : « Si vous voulez jouir paisiblement de vos richesses, condamnez les accusés sans les entendre. » C’est ce que fit le sénat.

Un incident singulier vint montrer, au milieu de ces débats, à quel point César éveillait les soupçons. Au moment le plus animé de la discussion, on lui apporte un billet. Il le lit avec empressement. Caton et d’autres sénateurs, supposant un message de l’un des conjurés, veulent en exiger la

  1. Suétone, César, xiv.
  2. Cicéron, Quatrième Discours contre Catilina, v.
  3. Salluste, Catilina, lii.