Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/347

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lecture devant le sénat. César remet le billet à Caton, placé près de lui. Celui-ci reconnaît une lettre d’amour de sa sœur Servilie, la rejette avec indignation, s’écriant : « Tiens, ivrogne[1] ; » injure gratuite, puisqu’il rendait lui-même justice à la tempérance de César, le jour où il disait que, de tous les hommes qui avaient renversé l’État, c’était le seul qui l’eût fait à jeun[2]. Caton exprime encore avec plus de force les appréhensions de son parti, en disant : « Si, au milieu d’alarmes si grandes et si générales, César seul est sans crainte, c’est pour vous comme pour moi un motif de craindre davantage[3]. » Caton alla plus loin. Après la condamnation à mort des accusés, il essaya de pousser à bout César en tournant contre eux une opinion que celui-ci avait émise dans leur intérêt : il proposa de confisquer leurs biens. Le débat prit alors une vivacité nouvelle. César déclara que c’était une indignité, après avoir rejeté ce que son avis avait d’humain, d’en adopter la disposition rigoureuse, d’aggraver le sort des condamnés et d’ajouter à leur supplice[4]. Comme sa protestation ne rencontrait pas d’écho dans le sénat, il adjura les tribuns d’user de leur droit d’intercession, mais ceux-ci restèrent sourds à son appel. L’agitation était à son comble, et, pour y mettre fin, le consul, pressé de terminer une lutte dont l’issue pouvait devenir douteuse, consentit à ce que la confiscation ne fait pas mentionnée dans le sénatus-consulte.

Tandis qu’au dehors la populace, excitée par les amis des conjurés, faisait entendre des clameurs séditieuses, les chevaliers qui formaient la garde autour du temple de la Concorde, exaspérés du langage de César et de la lenteur des

  1. Plutarque, Caton, xxviii. — Voy. le Parallèle d’Alexandre et de César, vii.
  2. Suétone, César, liii.
  3. Salluste, Catilina, lii.
  4. Plutarque, Cicéron, xxviii.