Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/372

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Pompée du sénat en faisant rejeter toutes ses propositions ; il lui refusa sa nièce malgré l’avantage, pour son parti, d’une alliance qui aurait entravé les projets de César[1]. Sans égard pour les conséquences politiques d’un rigorisme outré, il avait fait déposer Metellus, tribun, et César, préteur ; mettre en accusation Clodius, ouvrir une enquête contre les juges, ne prévoyant pas les suites funestes d’un procès où l’honneur d’un ordre entier était mis en question. Ce zèle irréfléchi avait rendu les chevaliers hostiles au sénat ; ils le devinrent encore davantage par l’opposition de Caton à la réduction du taux des fermes de l’Asie[2]. Aussi, appréciant alors les choses à leur véritable point de vue, Cicéron écrivait à Atticus : « Avec les meilleures intentions, notre Caton gâte toutes les affaires ; il opine comme dans la république de Platon, et nous sommes la lie de Romulus[3]. »

Rien n’arrêtait donc le cours des événements ; le parti de la résistance les précipitait plus que tout autre. Évidemment on marchait vers une révolution ; or une révolution, c’est un fleuve qui renverse et inonde. César voulait lui creuser un lit ; Pompée, assis fièrement au gouvernail, croyait commander aux flots qui l’entraînaient. Cicéron, toujours irrésolu, tantôt se laissait aller au courant, tantôt croyait pouvoir le remonter sur une barque fragile. Caton, inébranlable comme un roc, se flattait de résister à lui seul au cours irrésistible qui emportait la vieille société romaine.

  1. Plutarque, Caton, xxxv.
  2. « On vilipende le sénat, l’ordre des chevaliers s’en sépare. Ainsi cette année aura vu renverser à la fois les deux bases solides sur lesquelles j’avais, à moi seul, assis la République, c’est-à-dire l’autorité du sénat et l’union des deux ordres. » (Cicéron, Lettres à Atticus, I, xviii.)
  3. Cicéron, Lettres à Atticus, II, i.