Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/63

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cause de leur service militaire, être vendu à l’encan, comme esclaves[1], par leurs créanciers. Aussi, lorsque la guerre était imminente, les pauvres refusaient-ils souvent de s’enrôler[2], s’écriant : « Que nous servira-t-il de vaincre les ennemis du dehors, si nos créanciers nous mettent dans les fers pour les dettes que nous avons contractées ? Quel avantage aurons-nous d’affermir l’empire de Rome, si nous ne pouvons pas conserver notre liberté individuelle[3] ? » Cependant les patriciens, qui concouraient plus que les autres aux charges de la guerre, réclamaient, non sans raison, de leurs débiteurs le payement des sommes prêtées : de là de perpétuelles dissensions[4].

  1. « Servilius fit publier par un héraut qu’il était défendu à toutes personnes de saisir, de vendre ou de retenir en gage les biens des Romains qui serviraient contre les Volsques, d’enlever leurs enfants ou aucun de leur famille pour quelque contrat que ce fût. » — « Un vieillard se plaint que son créancier l’a réduit en servitude : il dit à haute voix qu’il était né libre, qu’il avait servi dans toutes les campagnes tant que son âge le permettait, qu’il s’était trouvé à vingt-huit batailles, où il avait remporté plusieurs prix de valeur ; mais que, depuis que les temps étaient devenus mauvais, et que la République s’était vue réduite à la dernière extrémité, il avait été contraint de faire des emprunts pour payer les impôts. Après cela, ajouta-t-il, n’ayant plus de quoi payer mes dettes, mon impitoyable créancier m’a réduit en servitude avec mes deux enfants, et m’a fait indignement frapper de plusieurs coups, parce que je lui ai répondu quelques mots quand il m’a commandé des choses trop difficiles. » (An de Rome 259.) (Denys d’Halicarnasse, VI, xxvi.) — « Les créanciers contribuaient à soulever la populace ; ils ne gardaient plus de mesure, ils mettaient leurs débiteurs en prison, et les traitaient comme des esclaves qu’ils auraient achetés à prix d’argent. » (An de Rome 254.) (Denys d’Halicarnasse, V, liii.)
  2. « Les pauvres, surtout ceux qui n’étaient pas en état de payer leurs dettes, et qui faisaient le plus grand nombre, refusaient de prendre les armes et ne voulaient avoir aucune communication avec les patriciens, tant que le sénat ne ferait point d’ordonnance pour l’abolition des dettes. » (An de Rome 256.) (Denys d’Halicarnasse, V, lxiii.)
  3. Denys d’Halicarnasse, V, lxiv.
  4. « Appius Claudius Sabinus ouvrit un avis tout contraire à celui de Marcus Valerius : il dit qu’on ne pouvait douter que les riches, qui n’étaient pas moins citoyens que le menu peuple, qui tenaient le premier rang dans la République,