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Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 2, Plon 1865.djvu/103

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simuler son infériorité en étalant d’autres troupes. Pendant que les barbares prenaient ces auxiliaires pour les deux légions qui occupaient le petit camp, celles-ci sortirent par la porte Décumane, et, sans être aperçues, allèrent rejoindre les quatre autres. Alors il rangea ses six légions sur trois lignes, et, marchant en avant, il les conduisit jusqu’au camp ennemi (usque ad castra hostium accessit). Ce mouvement offensif ne permettait plus aux Germains d’éviter la bataille : ils sortirent de leur camp, descendirent dans la plaine[1], se mirent en ligne, par ordre de nations, à des intervalles égaux, Harudes, Marcomans, Suèves, Triboques, Vangions, Némètes, Sédusiens ; et, pour s’enlever toute possibilité de fuir, s’enfermèrent latéralement et en arrière par une enceinte de voitures et de chariots, sur lesquels ils firent monter leurs femmes ; échevelées et tout en pleurs, elles conjuraient les guerriers marchant au combat de ne pas les livrer en esclavage aux Romains. Dans cette position, l’armée romaine faisait face à l’est, l’armée germaine face à l’ouest, et leurs lignes s’étendaient dans un espace couvert aujourd’hui, en partie, par la forêt de Nonnenbruch[2].

César, pour animer encore plus ses soldats, crut devoir leur donner des témoins dignes de leur courage, et mit à la tête de chaque légion, soit un de ses lieutenants, soit son questeur[3]. Lui-même, avec son aile droite, engagea le

  1. « Ayant escarmouché contre leurs retranchements et les collines sur lesquelles ils étaient campés, il les exaspéra et excita à tel point leur colère qu’ils descendirent et combattirent à outrance. » (Plutarque, César, xxi).
  2. Le général de Gœler adopte ce même champ de bataille, mais il diffère avec nous en ce qu’il place les Romains le dos au Rhin. Il serait impossible de comprendre en ce cas comment, après leur défaite, les Germains auraient pu s’enfuir vers ce fleuve, César leur coupant toute retraite, et comment Arioviste, comptant sur l’arrivée des Suèves, aurait mis César entre lui et les renforts qu’il attendait.
  3. Comme les légions étaient au nombre de six, la phrase ci-dessus prouve que dans cette campagne César avait un questeur et cinq lieutenants. (Voir Appendice D.)