Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 2, Plon 1865.djvu/389

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il a reçue de Clodius[1]. Caius Caton viole la loi en divulguant l’oracle sibyllin. De tous côtés on a recours à des moyens illégaux, qui varient suivant le tempérament de chacun ; les uns, comme Milon, Sextius, Clodius, se mettent ouvertement à la tête de bandes armées ; les autres agissent avec timidité et dissimulation, comme Cicéron, qui, un jour, après une première tentative inutile, enlève furtivement du Capitole la plaque d’airain sur laquelle était gravée la loi qui l’avait proscrit. Singulière erreur des hommes, qui croient effacer l’histoire en faisant disparaître quelques signes visibles du passé !

Ce relâchement des liens sociaux amenait fatalement la dispersion de toutes les forces dont l’union eût été si utile au bien public. À peine, dans un moment de danger, était-on tombé d’accord pour donner à un homme l’autorité qui pouvait rétablir l’ordre et le calme, qu’à l’instant même tout le monde s’entendait pour l’attaquer et l’abattre, comme si chacun avait eu peur de son propre ouvrage. À peine Cicéron est-il revenu de l’exil, que les amis qui l’ont rappelé sont envieux de son influence : ils voient avec plaisir une certaine froideur naître entre Pompée et lui, et soutiennent secrètement les manœuvres de Clodius[2]. À peine Pompée, au milieu de la disette et de l’agitation publique, est-il revêtu de nouveaux pouvoirs, que le sénat d’un côté, et la faction populaire de l’autre, se concertent pour ruiner son crédit : des menées habiles réveillent la vieille haine entre lui et Crassus.

  1. Plutarque, Caton, xl ; — Cicéron, xlv.
  2. « Il me revenait une foule de propos de gens que vous devinez d’ici, qui ont toujours été et qui sont toujours dans les mêmes rangs que moi. Ils se réjouissaient ouvertement de me savoir, à la fois, déjà en froid avec Pompée et prêt à me brouiller avec César ; mais, ce qu’il y avait de plus cruel, c’était leur attitude à l’égard de mon ennemi (Clodius), c’était de les voir l’embrasser, le flatter, le cajoler, le combler de caresses. » (Cicéron, Lettres familières, I, ix.)