Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 2, Plon 1865.djvu/388

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État d’anarchie à Rome.

IV. L’aperçu succinct des événements de Rome à cette époque montre le degré d’abaissement du niveau moral. Ce n’étaient plus ces luttes mémorables entre les patriciens et les plébéiens, où la grandeur du but ennoblissait les moyens. Il ne s’agissait plus de droits séculaires à défendre, de droits nouveaux à conquérir, mais d’ambitions vulgaires et d’intérêts personnels à satisfaire.

Rien n’indique davantage la décadence d’une société que la loi devenant machine de guerre à l’usage des différents partis, au lieu de rester l’expression sincère des besoins généraux. Tout homme arrivé au pouvoir se rendait coupable le lendemain de ce qu’il avait condamné la veille, et faisait servir les institutions à sa passion du moment. Tantôt c’était le consul Metellus qui, en 697, retardait la nomination des questeurs pour empêcher celle des juges, afin de protéger Clodius, son parent, contre une accusation judiciaire[1] ; tantôt c’étaient Milon et Sextius qui, à titre de représailles contre le même consul, opposaient tous les obstacles imaginables à la convocation des comices[2] ; tantôt, enfin, le sénat (en 698) essayait de retarder l’élection des juges, pour ôter à Clodius les chances d’être nommé édile. L’antique usage de prendre les auspices n’était plus, aux yeux de tous, qu’une manœuvre politique. Aucun des grands personnages que la faveur momentanée du peuple et du sénat mettait en évidence ne conservait le véritable sentiment du droit. Cicéron, qui voit en lui seul toute la République, et qui attaque comme monstrueux ce qui s’est fait contre lui et sans lui, déclare illégaux tous les actes du tribunat de Clodius ; le rigide Caton, au contraire, défend, par intérêt personnel, ces mêmes actes, parce que la prétention de Cicéron blesse son orgueil et invalide la mission

  1. Dion-Cassius, XXXIX, vii.
  2. Lettres à Quintus, II, i.