Aller au contenu

Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 2, Plon 1865.djvu/396

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une même pensée politique n’était pas un complot. Quelques auteurs n’en ont pas moins prétendu que le sénat, informé de cette conspiration ourdie dans la Gaule cisalpine, aurait fait éclater son indignation ; rien ne justifie cette allégation ; s’il en eût été ainsi, aurait-on, quelques mois après l’entrevue de Lucques, accordé à César tout ce qu’il désirait et repoussé tout ce qui lui était contraire ? On vit, en effet, lors de la distribution annuelle du gouvernement des provinces, les sénateurs hostiles à César demander qu’on lui retirât son commandement, ou tout au moins la partie de ce commandement décernée par le sénat[1]. Or, non-seulement cette prétention fut écartée, mais on lui donna dix lieutenants et des subsides pour payer les légions qu’il avait levées de sa propre autorité, en outre des quatre légions mises, dès le principe, à sa disposition par le sénat. C’est que les triomphes de César avaient exalté les esprits. L’opinion publique, cette force irrésistible de tous les temps, se déclarait hautement pour lui, et sa popularité rejaillissait sur Pompée et sur Crassus[2]. Le sénat avait fait taire alors son animosité, et, de son côté, César se montrait plein de déférence pour cette assemblée[3].

Il faut bien le dire à la louange de l’humanité, la vraie gloire a le privilège de rallier tous les cœurs généreux ; il n’y a que les hommes follement épris d’eux-mêmes, ou endurcis par le fanatisme d’un parti, qui résistent à cet entraînement universel vers ceux qui font la grandeur de leur pays. À cette époque, si l’on en excepte quelques

  1. Cicéron, Discours sur les provinces consulaires, xv.
  2. « Évidemment toute opposition à ces grands hommes, surtout depuis les éclatants succès de César, était antipathique au sentiment général et unanimement repoussée. » (Cicéron, Lettres familières, I, ix.)
  3. « César, fort de ses succès, des récompenses, des honneurs et des témoignages dont il était comblé par le sénat, venait prêter à cet ordre illustre son éclat et son influence. » (Cicéron, Lettres familières, I, ix.)