Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 2, Plon 1865.djvu/514

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« J’ai vu Pompée, écrivait Cicéron à son ami, le 6 des calendes de décembre. Nous sommes allés ensemble à Formies et nous nous sommes entretenus seuls depuis deux heures jusqu’au soir. Vous me demandez s’il y a quelque espérance d’accommodement ; autant que j’en ai pu juger par ce qu’il m’a dit dans un long entretien rempli de détails, on n’en a pas même envie. Il prétend que, si César obtient le consulat, même après avoir congédié son armée, il y aura un bouleversement dans l’État. Il est d’ailleurs persuadé que, lorsque César saura qu’on se met en mesure contre lui, il laissera là le consulat pour cette année et qu’il aimera mieux garder son armée et sa province ; il a ajouté que ses fureurs ne lui feraient pas peur et que Rome et lui sauraient bien se défendre. Que voulez-vous que je vous dise ? Quoique le grand mot, Mars a des chances égales pour tous, me revînt souvent à l’esprit, je me sentais rassuré en entendant un homme valeureux, si habile et si puissant, raisonner en politique sur les dangers d’une fausse paix. Nous avons lu ensemble la harangue d’Antoine, du 10 des calendes de janvier, laquelle est, tout d’une pièce, une accusation contre Pompée, qu’il prend comme dès la toge de l’enfance. Il lui reproche des condamnations par milliers ; il nous menace de la guerre. Sur quoi Pompée me disait : « Que ne fera point César, une fois maître de la République, si son questeur, un homme sans biens, sans appui, ose parler de la sorte ! » En un mot, loin de désirer une telle paix, il m’a paru la craindre, peut-être parce qu’il faudrait alors qu’il s’en allât en Espagne. Ce qui me

    chevaliers romains, que de sénateurs n’ai-je pas entendus déclamer contre Pompée, notamment pour ce malheureux voyage ! C’est la paix qu’il nous faut. Toute victoire sera funeste et fera surgir un tyran. Oui, je suis de ceux qui pensent que mieux vaut en passer par tout ce qu’il demande (César) que d’en appeler aux armes. C’est s’y prendre trop tard pour lui résister, quand depuis dix ans nous n’avons fait que lui donner de la force contre nous. » (Année 704, décembre. Cicéron, Lettres à Atticus, VII, v.)