Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/118

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ment d’ailleurs, le fusil à l’épaule, prêt à faire feu. Jean-Claude, à trois pas derrière lui, tremblait d’émotion et de peur.

Le vieux chasseur arriva sur le lieu du massacre. Un éclat de rire homérique le secoua de la tête aux pieds.

À côté d’un fond de bouteille cassé en mille morceaux et qui scintillait à la lune, un grand lièvre, criblé de plombs, gisait, saignant, les membres cassés, la tête trouée, les tripes hors du ventre.

Rassurés par le rire de Narcisse, les autres surgirent enfin lentement des buissons voisins et s’approchèrent à leur tour.

Un peu honteux de s’être laissé prendre au mirage facile du rêve de lucre et à la fascination de la légende ancienne, ils essayaient de s’excuser, alléguant leur incrédulité intérieure et leur passé de gens à qui on ne la fait pas.

— Tout de même, trancha Narcisse, on fera bien de n’en rien dire, les gens des alentours se ficheraient de nous. Ce qu’il y a de mieux à faire, c’est de manger l’oreillard.

Comme les émotions de cette nocturne équipée avait affamé les traqueurs, ce fut ce même soir qu’on leva le cuir du lièvre et qu’on le mit à la casserole. Jean-Claude fut condamné à fournir la sauce et à payer quatre litres au lieu de deux pour apprendre à vouloir en conter aux camarades et