Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/125

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stimuler par des menaces sa générosité. De son chef, il descendait à la cave, remontait litres et carafes, invitait les amis qui passaient, même le gros Zidore, et cela se terminait habituellement par une cuite générale, dans laquelle tous roulaient sous la table. Ce jour-là, le tuyau offert par le gros Zidore pouvait bien paraître suspect à gros Léon, qui formula des objections.

— C’est Gibus qui me l’a dit, affirma l’autre ; même que j’ai dû lui payer un litre et une goutte de vieux marc.

— Gibus ! sursauta Léon. Ah ! le chameau ! Il m’avait juré, quand il « saurait » un lièvre, de ne « l’enseigner » qu’à moi-même. Quand est-ce qu’il t’a…

— Il ne tient qu’à toi de le savoir, interrompit Zidore. Paye deux litres, et je te dirai tout.

Après s’être un peu fait tirer l’oreille, Léon, tenaillé de curiosité, céda enfin ; il emmena Zidore dans la chambre du poêle et s’en fut quérir deux flacons.

Le plus dur est fait, pensa Zidore, qui, dès le premier litre, commença par détourner adroitement la conversation et se mit à parler du cours des bestiaux aux dernières foires de la région, ainsi que de la récolte et de la vendange. Dès le deuxième litre, il entama les souvenirs du régiment ; il passa la revue de tous les camarades de chambrée et de tous les chefs, du colon au der-