Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/136

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autres amateurs à qui l’on avait promis et distribué la viande du renard avant de l’avoir tué se regardaient avec des yeux ronds comme des prunelles de hiboux.

— C’est des cochons, déclara net Gibus, en parlant de Léon et de Zidore.

— Des voleurs ! renchérissait un autre, et ils pourront se brosser pour avoir ma voix au mois de mai !

— Si on allait en parler un peu à l’auberge…

Et tandis que le brave renard, miraculeusement sauvé, se libérait du mouchoir muselière et de la corde de Bati, cinq hommes, cinq électeurs conscients juraient sur le verre qu’ils allaient boire de flanquer à la porte du Conseil municipal les misérables dont la maladresse les privait d’une ventrée dont ils s’étaient pourléchés d’avance les badigoinces.

Le jour venu, ils votèrent comme un seul homme, car on ne badine pas avec le ventre et Zidore et Léon furent blackboulés et tous leurs féaux avec eux.

Et voilà quelle fut l’origine de la dégringolade des deux plus riches propriétaires de Longeverne car, à dater de ce jour, ni gros Zidore, ni gros Léon ne présidèrent plus jamais aux destinées de leur pays natal. Étonnez-vous donc, après un tel malheur, qu’ils aient cherché des consolations dans le vin !