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UNE REVANCHE


C’était le dernier-né, le chien-nid, comme on disait, d’une famille de paysans du Jura. Il était prénommé Victor, mais comme il est coutume de donner aux plus jeunes des sobriquets d’amitié et qu’il était retors et rusé comme un renard, on l’avait surnommé le Tors.

Il avait grandi dans le giron de la famille, entouré de la tendresse de tous et dès qu’il avait porté culotte, partagé son temps entre l’école, l’hiver, et la garde du bétail, l’été.

Il avait poussé rude et sain dans la grande pâture enclavée dans les bois de sapins qui balançaient au vent leurs fuseaux gracieux et avait acquis, avec la santé, cette rude indépendance de caractère et cette énergie têtue qui font les brutes ou les héros.

Choyé par les siens, protégé par ses aînés, il avait conquis l’assurance, l’arrogance presque de ceux qui se sentent forts, et, comme ses petits muscles étaient solides et nerveux, les discussions avec les camarades se réglaient toujours à la ma-