Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/166

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atteindre la grenouille, qui bâillait toujours, la gueule ouverte, sur sa feuille de nénuphar.

— On peut pourtant pas la laisser là, rageait Lebrac ; ce ne serait pas la peine de l’avoir tuée. J’vais me déchausser et aller la prendre.

— C’est peut-être trop profond, insinua Tintin, plus prudent. Tant pis, va, laissons-la et attendons-en une autre.

— Jamais de la vie, répliqua Lebrac qui tenait à son idée, mesurez voir la profondeur.

Un bâton, trempé à un mètre de la rive, n’accusa qu’un fond d’un bon demi-pied.

— C’est rien, constata le gosse en ôtant ses souliers et ses bas ; et il replia ensuite jusqu’au haut des cuisses, en quintuple bourrelet, son pantalon, tout en affirmant : « Jamais ça ne montera si haut. » Pourtant, sur le conseil de Boulot, il ôta tout de même sa chemise pour ne pas en mouiller les manches. Et il entra dans l’eau.

Après quatre ou cinq pas prudents, comme le liquide lui montait à peine à mi-jambes, enhardi, il avança plus rapidement, l’œil rivé à la grenouille. Mais au septième pas qu’il fit, il enfonça brusquement de dix à quinze centimètres et ses genoux furent submergés ; au huitième, l’eau touchait à son pantalon et lui arrivait au ventre ; toutefois il n’était plus qu’à deux mètres de la rainette.

Il hésita. Mais ce n’était pas la peine d’avoir