Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/167

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parcouru pour rien tout ce trajet ; mouillé pour mouillé, tant pis, il aurait au moins son gibier ; encore deux ou trois pas et, en étendant le bras…

Mais l’eau soudain lui monta à la poitrine et il sentit que ses pieds n’étaient plus sur le dur, qu’ils enfonçaient dans quelque chose de mou et de tiède, dans la vase du fond sans doute, et que, petit à petit, ça semblait le tirer par en bas.

L’eau autour de lui avait des glougloutements sinistres et des bulles de gaz venaient crever sous ses aisselles.

— Reviens, reviens, criaient les camarades ; reviens vite. Lebrac, aux trois quarts enlisé, céda à leurs appels et voulut tourner bride. Impossible, ses extrémités inférieures jusqu’à mi-jambes étaient prises et il enfonçait toujours, toujours, lentement : l’eau atteignait les épaules. Il pâlit un peu, puis, tentant un effort désespéré, réussit à dégager un pied, tandis que l’autre restait prisonnier de la glu mouvante et fétide des profondeurs.

Tournant sur le tronc, il fit tout de même demi-tour en reposant le pied libre ; mais pendant qu’il dépêtrait l’autre, le premier se réenfonçait de nouveau, de sorte qu’il déployait de surhumains efforts à patauger sur place, de l’eau jusqu’au cou, tandis que les amis criaient toujours comme des fous.

— Lebrac ! Lebrac ! Lebrac, viens-t’en !