Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/199

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Depuis quand ce commerce-là durait-il ? Depuis les foins assurément, cela c’était indubitable, mais qui sait si auparavant déjà, il n’y avait pas quelque chose. Pourquoi l’autre avait-il si facilement accepté ses offres ? Peut-être qu’avant le mariage il pinçait déjà en cachette la Julie. Alors tout ce manège, toute cette comédie, ne visait qu’à lui faire endosser, à lui le patron bonne poire, la paternité du moutard. Bon sang de bon sang ! n’allait-on pas aussi, un de ces quatre matins, lui servir un bouillon d’onze heures et l’envoyer brouter les pissenlits par la racine entre les quatre murs de l’enclos des morts !

Ah ! mais non, cela ne se passerait pas comme ça ! Une colère sourde et terrible, qu’il tentait vainement de refréner, l’envahit et le domina. Se venger, les tuer ! La violence naturelle à son tempérament sanguin lui dicta les pires conseils.

Agir, agir sans retard. Quelques jours cependant passèrent au cours desquels il observa sa femme de l’œil du fauve guettant sa proie. Elle le trompait, oui, bien sûr, elle continuait : mais rien pourtant ne décelait chez elle le sombre calcul auquel il avait pensé.

La colère de Jourgeot ne diminua point pour autant ; la pensée surtout qu’il avait été roulé et la risée du pays lui était insupportable ; aussi rumina-t-il sa vengeance, car il ne voulait pas une vengeance stupide, il voulait quelque chose