Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/200

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de propre et de neuf, qui n’eût l’air de rien, mais qui établît quand même aux yeux de tous qu’il n’était pas l’imbécile qu’on avait supposé, qu’il n’était pas dupe et qu’il ne l’avait jamais été. Car, plus encore que dans son cœur, le vieux souffrait dans son amour-propre et dans son orgueil.

Ah ! si l’autre avait été marié !

Tous les matins ou presque, les deux complices se rejoignaient à l’écurie. Les surprendre était jeu d’enfant.

Deux jours après, sautant du lit quelques minutes après le départ de sa femme et sans faire crier les portes, son fusil à la main, il arrivait au seuil de l’étable. La pénombre le dissimulait, la rumeur sourde des vaches qui ruminaient dominait le bruit de sa respiration précipitée ; derrière la croupe massive d’un de ses grands bœufs de labour, il s’agenouilla et attendit.

La Julie, lui tournant le dos, était en train de traire et, du pis qu’elle pressait en cadence, le lait tombait dans le chaudron de fer battu avec un roulement semi-argentin de tambour.

Son attente ne fut pas longue. Une ombre glissa devant la fenêtre, et la porte qui donnait sur la cour s’ouvrit brusquement pour aussitôt se refermer.

À ce bruit familier, sa femme, sans hésitation, abandonnait la vache, posait son petit banc d’un côté, son seau de l’autre, et, s’essuyant les mains