Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/210

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— Fichtre ! pensa-t-il, et son envie d’éclater fit place à un sourire légèrement contraint.

Ayant donné lecture de l’acte, il passa la plume au déclarant qui, d’une main ferme, en lettres énormes, inscrivit comme signature :

« JOURGEOT ET COMPAGNIE »

Ce fait, il tendit gracieusement la plume à messire Mablot, qui la saisit entre ses doigts fébriles. Le paraphe de l’autre flamboyait au milieu de la page et ce fut d’une main tremblante et mal assurée que, l’ayant lu, il aligna à côté un « Mablot » chancelant comme une démarche d’ivrogne. Et le deuxième témoin ne fut pas moins ébahi de la chose non plus que le maire et son secrétaire.

Cependant, bien que cela ne fût pas très régulier, pas un n’osa dire un mot ni formuler une réflexion, tant le vieux avait un air goguenard et narquois.

Un silence embarrassant planait ; tous allongeaient un nez, un nez, tandis que Jourgeot, reprenant son sourire, son bon sourire des jours précédents, les invitait poliment :

— Maintenant, Messieurs, que le père a sûrement signé !… et les témoins aussi, je vous offre l’apéritif. Vous n’allez pas refuser : vous comprenez que ces petites choses-là ne vont plus m’arriver tous les jours ; une fois, oui ; mais deux, non :