Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/245

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— Qu’allait décider le Carcan ?

Bien qu’elle portât ce nom impérial, Joséphine, en effet, n’était que la fille du Carcan, une sorte de braque, ivrogne comme plusieurs Polonais, mal embouché comme trois grenadiers et plus paresseux qu’une demi-douzaine de couleuvres. On l’appelait ainsi à cause de son grand cou nerveux, supportant une tête chevaline à la mâchoire allongée et pendante au-dessus de laquelle la bouche fort vaste semblait un entonnoir perpétuellement ouvert.

Heureux père de trois enfants, le Carcan les avait de bonne heure placés comme domestiques et, tout en tenant avec sa femme une petite culture, arrivait bon an mal an à nouer les deux bouts en mangeant, ou plutôt en buvant les gages de ses rejetons.

Quant au Pape, il devait ce surnom catholique, apostolique et romain à son prénom de Léon. Comme il était le treizième héritier d’une famille bénie de Dieu et qu’à l’heure de sa naissance Léon XIII occupait le siège de saint Pierre, les voisins avaient trouvé tout naturel ce rapprochement.

C’était un chaud lapin, disait-on au village, où il passait pour user envers les femmes d’arguments irrésistibles.

— Comme un âne, mon vieux ! se confiaient les gens renseignés.