Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/255

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tieux discours, le sommerait, soit de conduire Joséphine devant le maire, soit de lui verser la somme de cinq mille francs, faute de quoi il l’assignerait en justice où il le ferait condamner comme père de l’enfant à venir, à la pension alimentaire exigible. Nul doute que l’autre, lié par l’aveu de ses relations avec Joséphine et pour éviter que le scandale se propageât plus avant dans la région, ne vînt, après quelques concessions auxquelles, par degrés, consentirait le Carcan, à céder à ses exigences et à lui verser les trois mille balles qu’il réclamerait en dernier ressort.

Il était dix heures à la vieille horloge quand, ces conclusions optimistes adoptées et les deux litres de vin engloutis, les deux conjoints se glissèrent dans les draps. D’ordinaire, cinq minutes après que la chandelle était soufflée, le Carcan ronflait avec force et sa moitié l’accompagnait en sourdine ; mais ce soir-là, était-ce l’énervement qui précède la réalisation des grands projets ou l’effet des litres ingurgités, mais plus d’une heure ils se retournèrent, s’agitèrent et soupirèrent en faisant craquer les ressorts fatigués du vieux sommier.

De bonne heure, le lendemain matin, le Carcan s’éveilla et, sitôt levé, commença par jeter vers les bouteilles un coup d’œil inquisiteur ; mais pas une goutte de vin ne restait ni dans l’une ni dans l’autre ; ils avaient tout lampé la veille.