Mais, la jeunesse aidant, et avec, pour relever le repas, le rire de la mutine et espiègle Fernande, tous trois dînèrent de bon appétit.
Lorsqu’ils eurent achevé de se restaurer — si l’on peut dire — la petite amie de Robert s’écria :
— J’ai une idée !
— Voyons l’idée de Fernande, dit Robert.
— Ne blague pas. Elle est peut-être excellente, elle est peut-être très mauvaise. Je n’ai pas d’amour-propre d’auteur, je donne l’idée pour ce qu’elle vaut.
— Dites-là au moins… Vous nous faites languir !…
— Oh ! Albert ! comme il est impatient d’aujourd’hui !… On voit qu’il a peur qu’on lui rogne sa part d’amour.
— Ne blaguez pas… Expliquez-nous plutôt…
— Mon idée ? Eh bien, voilà… Ce directeur, puisqu’il est riche, son épouse aura certainement une femme de chambre.
— Oui.
— Eh bien ! Si vous le voulez, la femme de chambre de Mme la Directrice, ce sera moi…
— Toi ! dit Robert… mais elle te connaît.
— Justement, je n’aurai pas besoin d’être présentée. J’irai la voir et je lui dirai :
« Ma petite Juliette, on a trop souvent rigolé ensemble, faut faire quelque chose pour moi, tu vas me prendre comme femme de chambre.
— Et si elle refuse ? objecta Albert.
— Elle ne refusera pas. J’aurai le bon argument pour qu’elle accepte… Je lui dirai : » Si Madame la Directrice veut de mes services, Madame la Directrice n’aura pas de femme de chambre plus dévouée et plus discrète. Si vous refusez. J’irai, foi de Fernande, raconter à votre mari que nous avons fait la bombe ensemble avec nos amants qu’étaient des copains… »
« Vous comprenez que, devant ça, elle n’aura qu’à accepter.
« Une fois que je serai dans la place, ce sera à moi de manœuvrer pour réaliser les secrets désirs de M. Albert ici présent.
« Qu’est-ce que vous en dites ?… Est-ce une idée ça ?
— Oui, c’est une idée, dit Albert… c’est même une idée épatante !
« Juliette acceptera et Fernande, une fois dans le camp ennemi, ce sera bien le diable si elle n’arrive pas à empêcher, dès le premier soir même, les nouveaux époux de consommer leur mariage.
— Ils ne consommeront pas, déclara Fernande, j’en réponds, Albert, j’en réponds.
— J’accepte volontiers la proposition de Fernande, dit enfin Robert. Mais à une condition.