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— Laquelle ?

— C’est que sa vertu n’ait pas à en souffrir, et que, quoi qu’il arrive, elle me reste fidèle.

— Tu es fou ! Tu n’es pas jaloux du directeur, à ton tour…

— Je sais ce que c’est… Quelquefois, les femmes de chambre…

— Sont obligées, elles aussi, de se sacrifier… comme leurs patronnes.

« Mais je t’ai déjà dit que je n’avais personne dans ma famille qui désire les palmes, alors tu peux être tranquille.

iii

L’amie du Directeur.


M. Prosper Benoît, qui était un parfait homme du monde, qui avait de vastes ambitions et jouissait d’une grande considération, avait certes le droit de prétendre à un plus brillant parti que « la petite Arnaud » et, au ministère même, il était des fonctionnaires, voire des sous-chefs et même des chefs de bureau qui trouvaient que leur directeur eût pu, avec beaucoup plus de raison, de justice et de goût, se laisser séduire par la grâce et les charmes de leurs filles.

Ils se demandaient ce que « la petite Arnaud » avait de plus pour avoir ainsi emballé leur chef commun. Or, ils auraient dû comprendre que ce n’était pas à cause de ce qu’elle avait en plus, mais au contraire de ce qu’elle avait en moins que Juliette avait conquis M. Prosper Benoît.

Elle avait, en effet, su comme ne l’aurait jamais fait aucune de ces jeunes filles ignorant l’amour — se montrer en même temps provocante et ingénue juste comme il le fallait pour que le directeur prit feu à son contact.

M. Benoît n’avait pas eu un moment l’idée que cette petite jeune fille aurait pu devenir sa maîtresse… Il la croyait comme tout le monde, sincèrement honnête et ne supposait pas que le charme piquant qu’elle dégageait venait précisément de son initiation aux mystères de l’alcove. Et l’on peut croire qu’en compagnie d’Albert, Juliette avait pénétré toutes les arcanes de ces mystères, dont aucun ne lui était ignoré.

Comme tous les hommes, ayant atteint leur « deuxième jeunesse », M. Prosper Benoît voulut à tout prix posséder ce petit joyau qui ne demandait d’ailleurs qu’à se laisser prendre et il lui démanda un jour, si elle voulait devenir sa femme. On pense bien que Juliette accepta, à la grande joie de ses pa-