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LOUIS D’ELMONT



Hallucinations amoureuses

i

Le Sacrifice de Juliette.


Ce jour-là, le peintre Albert Rougier attendait sa maîtresse avec impatience. Il ne comprenait pas pourquoi Juliette, toujours empressée et ponctuelle, était cette fois en retard sur l’heure habituelle de leurs rendez-vous amoureux.

C’est qu’Albert aimait beaucoup sa petite amie, malgré que depuis un an déjà il connût tous ses charmes, mais il n’en était pas encore à la satiété, et doutait même qu’elle vînt jamais avec cette blonde enfant, toujours rieuse, toujours prête aux caresses.

Pourtant, Juliette Arnaud passait dans sa famille et le cercle de ses amis pour la jeune fille la plus pure et la plus rangée.

Jamais M. Gustave Arnaud, employé au Ministère des Inventions Pratiques, n’eût pu soupçonner que sa fille allât retrouver chaque après-midi un amant, et surtout quel amant ? un peintre sans fortune et dont la réputation était encore à venir. Quand à Mme Arnaud, épouse légitime et effacée dudit Gustave Arnaud, elle eut mis sa main au feu de l’honnêteté et de la vertu de son enfant.

Ces braves gens ne pouvaient pas se douter que lorsque Juliette sortait pour aller à son cours de musique, elle se rendait, en réalité, dans l’atelier d’Albert Rougier.

Juliette arriva enfin ; au lieu de trois heures, comme de coutume, la pendule en marquait cinq.

Entendant le pas bien connu de son amie dont les talons martelaient les marches de l’escalier, Albert se précipita, et ouvrit précipitamment la porte.

Il lui donna à peine le temps d’entrer, et avant même de prendre un baiser lui dit :

— Qu’y a-t-il ? Que t’est-il arrivé ?

— Je t’expliquerai ça tout à l’heure, mon chéri.

Et, sans précipitation aucune, elle ôta son chapeau.