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traits de sa rivale, laquelle d’ailleurs en profita pour dévisager l’épouse légitime de celui qui l’avait abandonnée.

Cet examen réciproque satisfit également les deux femmes.

— Voyez-vous, déclara Juliette, il vaut mieux nous entendre. Je vois que j’ai affaire à une personne tout à fait distinguée…

— Moi également…

Elles oubliaient toutes deux qu’elles se trouvaient en chemise derrière un rideau dans l’embrasure d’une fenêtre, tandis que leur amant et mari était couché dans le lit voisin, sommeillant le plus tranquillement du monde sans se soucier de ce qui se tramait contre lui, nous ne dirons pas dans l’ombre mais au clair de la lune.

Elles l’oubliaient et faisaient assaut de politesse comme si elles étaient dans un salon.

Juliette reprit :

— Je disais donc qu’il était préférable que nous nous missions bien d’accord.

« Pour moi, je ne me sens pas de taille à lutter à la fois contre vous et contre Albert…

« D’ailleurs, je ne vous cache pas que je préfère Albert…

— Alors, pourquoi m’avez-vous pris Prosper ?

— D’abord, j’ignorais complètement que vous fussiez sa maîtresse, je ne vous connaissais même pas, sans quoi je ne vous aurais jamais fait une crasse pareille… Non, ça, je le jure !

— Oui, mais à présent, vous êtes mariée !

— Il y a le divorce !…

— C’est vrai… Je n’y pensais pas !

À ce moment Juliette crut entendre son mari respirer…

— Écoutez, dit-elle.

— Ce n’est rien. Ne vous inquiétez pas. Je connais cela… c’est Prosper qui ronfle !

— Il ronfle ! Ça c’est le bouquet… Ah non ! Je ne veux pas d’un mari qui ronfle, moi !

— Vous savez, on s’y habitue !

— Oui, vous, vous y êtes accoutumée, ça ne vous fait plus rien.

« Raison de plus pour que je vous le rende !

« Vous voudrez bien le reprendre, n’est-ce pas ?

— Vous me le rendez… comme vous l’avez pris ?

— Soyez sans crainte, je n’y toucherai pas… Vous le retrouverez intact…

« Mais je ne peux pas divorcer parce qu’il ronfle… Ce n’est pas une raison suffisante, ni parce qu’il m’a trompée, puisque nous lui avons fait croire le contraire.

« Alors, voici ce que nous allons faire…