Page:Louis d Elmont Hallucinations amoureuses 1924.djvu/9

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— Oui. Tu comprends. Elle m’a expliqué cela, la pauvre petite, il le faut absolument…

« Ça lui déchire le cœur mais elle ne peut pas refuser…

— Il a une belle situation, ce directeur ?

— Bien sûr, c’est un haut fonctionnaire…

— Le sacrifice n’en est que plus grand… dit Fernande avec conviction.

— Il est riche ?

— Il a, en effet, une certaine fortune.

— Ah ! La pauvre petite ! s’apitoya encore l’amie de Robert.

— Alors, vous comprenez, elle restera ma petite amie, mais elle ne pourra plus venir aussi souvent me voir, il faudra qu’elle assiste à des soirées, qu’elle ait des jours de réception, un tas d’obligations quoi…

— Oui… je vois… Le sacrifice est immense… déclara Fernande avec un air convaincu.

— Quand vous aurez fini de blaguer, vous ?…

— Je ne blague pas, Albert, je ne blague pas…

« Seulement je trouve que votre petite amie ne va tout de même pas être trop malheureuse, soit dit sans vous froisser. Elle fait un riche mariage, et elle vous conserve encore comme amant de cœur…

« Je voudrais bien être à sa place, moi !…

— Tu n’as pas honte de dire une chose pareille… Eh bien ! Et moi ? fit Robert…

— Ne te fâche pas, mon petit Roro, d’abord tu peux être tranquille, je ne trouverai pas de directeur pour m’épouser. Je ne suis pas une jeune fille convenable, moi, comme dit si bien ton ami Albert.

« Ça vaut même mieux, vois-tu, parce que, comme mon paternel ne peut pas devenir sous-chef de bureau et qu’il n’a pas besoin des palmes, je ne me sacrifierai jamais…

— À la bonne heure ! Tu es une bonne fille, toi…

— Je vois, Robert, reprit alors Albert, que tu n’accepterais pas non plus, toi, cette situation sans protester.

— Non… Et à ta place, je signifierais à Juliette une rupture définitive…

— Tu n’es pas fou… Ça n’est pas du tout mon programme.

— Alors, que veux-tu faire ?

— Ce que je veux, déclara alors avec énergie Albert, ce que je veux, c’est que M. Prosper Benoît, directeur au ministère des Inventions pratiques, ne coucha pas avec sa femme…

« Ni le soir de ses noces, ni jamais. Vous m’entendez, jamais cet homme ne possèdera Juliette…

— Et comment feras-tu ?

— Je l’ignore ! C’est ce que je suis venu vous demander !