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Page:Louise Drevet - en diligence de Briançon à Grenoble, 1879.djvu/24

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des Commères, — un joli endroit que je vous recommande, Monsieur : à gauche la montagne, à droite un abîme dont on ne voit pas le fond, entre les deux, la route. — Il ne mut pas de distraction par là… À la Rampe des Commères, donc, les traits trop flottants s’étaient détachés et, à un tournant de la route, au sortir d’un tunnel, les deux chevaux avaient été poussés en avant par la vitesse acquise et jetés dans le précipice de la Romanche. Je crois bien que F… fils ne pensa pas à aller les chercher. Tout le monde dit que nous avions échappé à un danger horrible ; moi je ne me suis jamais tant amusé.

« — Ah ! si, cependant, reprit bientôt le petit Daniel, j’ai eu encore une aventure plus belle que celle-là, c’est le jour du premier fusil de mon frère. Cette fois, c’était pendant le jour, l’été, nous revenions de Grenoble où Gaston venait d’être reçu bachelier ès lettres. Papa, pour le récompenser, lui avait acheté un beau fusil. Cette fois-là, nous étions sur l’impériale, mais nous descendions de temps en temps aux montées et souvent nous avions beaucoup d’avance sur la diligence ; mon frère n’avait pas voulu se séparer de son cher fusil et il le portait crânement sur l’épaule, faisant mine parfois d’ajuster et de tirer un gibier imaginaire. Tout à coup, il me fait signe de ne pas bouger, de me taire ; il arme son fusil, fait deux pas en avant, tire et abat, oh ! Monsieur, vous ne le croirez pas ; mon grand frère, de ce seul coup de fusil, avait tué un chamois magnifique venu pour