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Page:Louise Drevet - en diligence de Briançon à Grenoble, 1879.djvu/25

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se désaltérer jusque sur la route, au bord de la cascade des Fréaux. J’avais vu la chose arriver et je ne voulais pas y croire. Personne ne voulait y croire. Comme mon grand frère aimait son fusil, ce bon fusil qui, pour la première qu’il avait parlé, avait parlé si bien ! vous pensez si ça fit du bruit un coup pareil. Le temps me dure de passer mon bachot pour avoir aussi une arme à moi ; mais des coups comme ça, il paraît que c’est rare, parce que depuis ce temps le fusil n’a plus tué que des lièvres et des repatets, et encore pas en nombre. »

— Je le crois ! fis-je. Ce que je crois encore mieux c’est que c’est à Monsieur de Crac et pas à votre frère que l’aventure est arrivée.

— Monsieur de Crac ! répétez-le voir ! m’a irrévérencieusement répliqué le gamin. Ah ! M’sieur, si ce n’était pas vous ! Mais il n’y avait pas que nous autres dans la voiture ce jour-là, et tout Briançon a vu notre chamois. Vous pouvez vous informer.

— Ce que vous a dit mon bonhomme de neveu est vrai : j’ai entendu parler des deux chevaux précipités dans les abîmes de la Romanche, de la peur rétrospective qui s’empara des voyageurs lorsqu’ils connurent l’aventure. Quant au chamois tué par le fils aîné de ma sœur, j’en ai la dépouille à Paris ; elle me sert de descente de lit, et déjà bien des fois, sur la prière de ma femme, qui était toute fière de la prouesse de son neveu, il m’a fallu raconter les circonstances, incroyables à force de simplicité, de la mort du chamois.