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en conversation, hâtèrent le pas et furent bientôt arrivées au domicile de la nouvelle accouchée.

C’était dans la rue Chenoise, dont les maisons, alors irrégulières au possible, se profilaient sans aucun souci des lois de l’alignement. Tout près de la place Notre-Dame, depuis le logis Maupertuis jusqu’à la maison dont un des étages supérieurs était occupé par la famille du nouveau-né, tout alors appartenait, par voie de legs, à l’hospice de Grenoble, qui tirait revenu des loyers.

La maison où nous entrons avec les deux sœurs, une maison construite dans le style de la Renaissance, faisait contraste, par sa façade élégante et régulière, avec les façades des constructions voisines, noires, sales, repoussantes, où grouillait une population des plus mêlées. Plusieurs boutiques occupaient le rez-de-chaussée. L’une d’elles était louée à un sculpteur marbrier du nom de Bernard, qui vendait, suivant l’occurrence, des pierres tombales pour les riches défunts, des bénitiers ou des autels pour les églises, et des tablettes de marbre plus ou moins richement historiées pour les cheminées. Bernard était un artiste aussi habile que consciencieux. Il avait la clientèle du clergé et celle des nobles ; son commerce prospérait. Seulement, la dureté des temps, la rareté de l’argent, lui faisaient à lui aussi plus de loisirs qu’il n’eût souhaité. Mais c’était une manière de philosophe, qui prenait les choses comme elles venaient et ne s’affligeait pas outre mesure d’un revers. Après les sept vaches maigres sont venues les sept vaches grasses, disait-il tranquillement. Et chacun chez lui acceptait l’augure.

Sur le seuil de la boutique ornée d’un côté d’une