Page:Louise drevet - Dauphiné bon coeur, 1876.djvu/16

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 10 —

presque, non par la main du temps, mais par la main bien plus dévastatrice encore de l’homme, et il fut irrémédiable.

Les escaliers qui conduisaient au faîte furent rompus, les voûtes effondrées, les hautes tours abaissées ou rasées. Le vent, la pluie, les éléments purent entrer en maîtres, par les crevasses ouvertes de toutes parts, dans ce château, désormais leur proie.

Ce n’avait pas été chose facile de détruire ces murailles, aussi épaisses que profondes, édifiées à l’aide de la corvée et jetées bas par des soldats à la solde royale ; tant de siècles avaient durci le ciment qui liait entre elles les pierres ! Mais il fallait bien empêcher des Adrets ou Montbrun de s’y loger, de s’y fortifier et d’y braver les édits. On en vint à bout en détruisant.

Cependant, quelques années plus tard, les blessures du vieux château étaient encore toutes saignantes ; si complète qu’eût été sa destruction, quelques débris crevassés subsistaient encore, pantelants mais formidables, suspendus inaccessibles au flanc du rocher redevenu, lui aussi, rébarbatif : salles voûtées, obscures comme des cavernes, salles hautes, ténébreuses, bien que leurs verrières depuis longtemps brisées n’empêchassent plus l’entrée du jour.

Ce n’était plus le logis d’un capitaine ; ce pouvait être encore le repaire d’un chef de bande. Lesdiguières, alors simple partisan, et qui n’avait pas le choix des places fortes, ne voulant pas laisser prendre ce poste à d’autres, entra par une brèche, chercha un coin habitable, et, du milieu des ruines de ce géant encore fier et prêt à redevenir invincible, protégea la retraite des religionnaires qui venaient de se laisser battre à Moirans (1580).