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et merveilleuses. La légende fleurit sur les ruines. Comment aurait-elle passé à côté du château de la Sône sans y entrer ?

Je ne suivrai pas la fantasque dans ses créations fabuleuses, elle me mènerait plus loin que je ne veux aller. Ces fables, d’ailleurs, se ressemblent toutes. Ici, c’est quelque gracieuse fée qui en est l’héroïne ; là, c’est le sire au pied fourchu qui l’alimente de ses méchancetés. Naturellement, tout cela est bien effrayant. Où serait le charme, si l’on n’avait pas à trembler ?

Là-haut, sur son rocher abrupt, rendu presque inaccessible par son dernier dévastateur, le vieux château de la Sône se dressait, masse énorme comme amalgamée avec le rocher ; ses abords étaient de plus en plus redoutés à mesure que le passé historique s’éloignant, laissait les ombres de la fiction l’envahir. Plus il devenait masure, plus le château de la Sône prenait aux yeux du peuple des proportions gigantesques. Aussi, fut-il respecté, non parce que c’était la propriété d’autrui : cette grande ruine, sinistre la nuit, mais presque riante le jour, était-elle à d’autres qu’au vent entrant avec des mugissements ou des murmures par les baies de ses cent fenêtres, au mystère qui le peuplait d’inconnu, à la fée des ruines qui y répandait dans la solitude ses trésors de fleurs et de poésie ?

Tout-à-coup, vers 1705, je crois, on apprit à la Sône qu’un audacieux avait formé la téméraire entreprise de relever le vieux château ou tout au moins de faire entrer ce qui restait du vieux château dans la composition d’un nouvel édifice, et qu’il prétendait habiter ce domaine acheté par lui, presque pour un morceau de pain.