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Ce fut d’abord de l’incrédulité, puis de l’étonnement, ensuite de la stupeur. Qui donc oserait toucher à l’œuvre féodale ? faire une simple demeure de ce qui était devenu, grâce à l’histoire, un monument ? Les fières et nobles blessures reçues au cœur par l’invincible citadelle, étaient-elles de celles qui peuvent être pansées et guéries par un ciment bourgeois ?

Pourtant, le doute dut cesser.

Le nouveau propriétaire arriva un jour avec une manière d’architecte, s’arrêta quelques instants au bourg de la Sône , où resta la voiture qui l’avait amené, et, tous deux un crayon et des tablettes à la main, se frayant à grand peine un chemin parmi les ronces et les décombres, gravirent cette colline de ruines, fouillèrent ces taillis centenaires, s’égarèrent vingt fois dans cette forêt en miniature. La nature avait fait si belle besogne pendant ses cent vingt ans de possession, qu’on ne s’y reconnaissait plus. Une multitude d’arbrisseaux de toute taille avait surgi, plantureuse et puissante, masquant les issues, habillant les nudités. La hache aurait à faire.

Mais les deux hommes ne se découragèrent pas. Au bout d’une heure, ils avaient supputé la valeur matérielle des constructions restées debout, et ils auraient pu dire, à quelques livres près, combien coûterait la mise en état de ce qui était écroulé.

― Je veux de grandes salles, avait dit le nouveau propriétaire, de très-grandes salles et surtout beaucoup de jour. Tous les matériaux entassés dans les cours peuvent servir. Ne détruisez rien de ce qui existe. Nous sommes l’avenir, mais nous aimons ce qui nous parle du passé. Je ferai ma demeure de ce coin du château qui touche au rempart, et je ferai du