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rempart, devenu inutile, une terrasse. Il n’y a rien de pareil alentour.

Quand il eut pleinement rassasié ses yeux du spectacle qui s’offrait à lui du haut de la rude colline semée de débris, sans avoir lui-même rien vu d’extraordinaire dans cet extraordinaire site, il redescendit avec son compagnon vers le groupe de maisons chétives qui se blottissait plus bas, au pied du rocher, et formait alors tout le village de la Sône.

Les enfants, les femmes les regardaient passer avec une sorte de terreur. Il leur semblait que ces deux hommes venaient d’accomplir quelque chose d’inouï. N’avaient-ils point osé, eux étrangers, violer la solennelle solitude des êtres mystérieux, fées, génies ou démons qui peuplaient seuls depuis plus d’un siècle le vieux château ?

Mais non ! ces hommes n’avaient rien vu, rien entendu, rien troublé. À peine quelques oiseaux, nichés dans les taillis sauvages, s’étaient-ils émus de leur approche ; un grand lézard noir zébré d’orange, qui rêvait paresseusement en regardant le ciel, sur une large dalle moussue, avait tourné un instant vers eux sa tête aux yeux énormes, puis avait repris son altitude somnolente, tant, pendant ce long interrègne de l’humaine espèce au vieux donjon, il avait désappris à craindre l’homme. Sous leurs pieds pourtant, mille bestioles s’enfuyaient effarouchées. La couleuvre paresseuse, dérangée dans son somme, dardait sur les deux hommes son regard noir.

— Ce pays possède des richesses qu’il ignore, — disait l’un des deux visiteurs du donjon à son compa-